Depuis que la scène d'Atlanta semble avoir amorcé un déclin, il est difficile de dire quelle est maintenant la capitale du rap. Peut-être, d'ailleurs, n'y en a-t-il tout simplement plus. Et qu'en conséquence, ce qui a sans doute toujours été une réalité est devenue plus visible : le rap qui compte, en fait, ce serait le rap régional. Ce serait ce qu'une multitude de scènes locales produisent de mieux, sans forcément le porter à l'attention du grand nombre.
Moins que jamais, en effet, les albums émoustillants sont ceux que l'on retrouve dans les listes de fin d'année des grands médias. Ce sont plutôt des projets épars, provenant de ces centres féconds que sont la Bay Area, le Los Angeles de 03 Greedo et de Drakeo the Ruler, une ville de Detroit qui avait déjà été la plus satisfaisante en 2017, un New-York dégradé dans la hiérarchie du rap, mais qui a toujours de beaux restes, ou encore la Floride de Kodak Black, celle qui doit davantage à Lil Boosie qu'à Trick Daddy. Sans oublier, naturellement, une musique démunie de toute attache locale forte, mais popularisée à travers SoundCloud et les autres plateformes Internet. Toutes ces sources, toutes ces tendances, ce rap certes hégémonique, mais plus que jamais complexe et éclaté, est plus ou moins représenté dans les sélections ci-dessous.
# 12. OMB PEEZY & SHERWOOD MARTY - Young and Reckless
Six mois avant son premier projet long-format, Loyalty Over Love, OMB Peezy sortait une mixtape collaborative avec le rappeur de Baton Rouge Sherwood Marty. Cela n'aurait pu être qu'un projet transitoire dans le cadre d'un plan marketing, mais Young and Reckless, qui évoluait au fil des plages d'un rap violent et assuré à un blues de gangster, valait en fait beaucoup plus que cela.
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# 11. BANDGANG - In Too Deep
Depuis 2008, BandGang a contribué à façonner le son du Detroit d'aujourd'hui. Nulle surprise, donc, si ce long projet piloté par les trois têtes d'affiche du groupe Masoe, Lonnie Bands et Paid Will, décline la formule, s'il l'épuise presque, au point de sonner générique. Nul étonnement, non plus, si de nombreux morceaux d'anthologie se distinguent cette sortie gargantuesque.
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# 10. TIERRA WHACK - Whack World
Avec son album / vidéo concept contenant 15 titres de tout juste une minute, tous incroyablement variés, Tierra Whack réinvestit un domaine délaissé : celui du rap ludique et arty. On ne sait plus très bien ce qui interpelle chez elle : les chansons, les visuels, les deux, ou le soutien considérable de la critique. Mais pour le moins, voici une artiste singulière dans le paysage rap contemporain.
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# 09. KNOWLEDGE THE PIRATE - Flintlock
Roc Marciano a brillé en 2018, mais ses proches aussi. C'est notamment le cas de Knowledge the Pirate, qui partage avec lui une formule qui est l'évolution naturelle du hip-hop East Coast des années 90, ainsi qu'un très long parcours et pédigrée de rappeur. Flintock est, sur le tard, le premier album de ce vétéran. Mais l'attente en valait la peine : ce projet est digne de ceux de son compère.
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# 08. PUSHA T - Daytona
De l'avis général, le meilleur album des Wyoming Sessions de Kanye West aura été celui-là. Il aura été cette alliance réussie entre deux immenses figures du rap : un producteur fantasque et imprévisible, mais capable d'épurer ses sons pour mieux servir l'autre ; et un rappeur qui, à l'inverse, ne s'est jamais écarté de son seul thème. Et pourquoi donc le ferait-il, puisqu'il en est le maître ?
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# 07. POUYA - Five Five
Sur son second album officiel, bien secondé par le producteur Mikey the Magician, Pouya parle de ses angoisses et de ses insécurités, voire même d'amour. Le rappeur de Miami partage ces émotions adolescentes qui sont la base même du succès des soundcloud rappers. Mais il le fait sur un projet ramassé, court et constant, comme peu, finalement, ont réussi à en faire.
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# 06. TRAPPERMAN DALE - '91
Après Mobsquad Nard, c'était au tour de TrapperMan Dale de bénéficier du parrainage de Starlito. Issu comme lui de Nashville, il a rejoint son label et ils ont sorti un album ensemble, Trap Star. Son projet le plus remarquable de l'année n'était toutefois pas celui-là. Il était plutôt ce '91 sans vrai tube mais sans déchet, une sortie admirablement aboutie pour ce rappeur méconnu.
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# 05. HUSALAH - H
Depuis ses débuts avec Mob Figaz, cela fait deux décennies que Husalah existe. Fort d'albums riches et de singles populaires, il est même une légende de la Bay Area. Mais c'est en 2018 seulement, peu après la mort de son ami The Jacka, qu'il a sorti ce qu'il considère comme son premier véritable album, un opus divers et complet, qui brasse tous les registres de sa scène d'appartenance.
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# 04. BERNER - The Big Pescado
Avec The Big Pescado, un album varié, gorgé d'invités de tous horizons et intégralement produit par Scott Storch, il se pourrait bien que Berner ait sorti sa grande œuvre, celle avec laquelle cet entrepreneur de la weed basé à San Francisco, révélé par ses liens avec The Jacka et associé plus tard au Taylor Gang de Wiz Khalifa, a gagné son entrée dans le panthéon des rappeurs.
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# 03. ROC MARCIANO - RR2 - The Bitter Dose
Huit ans après Marcberg, Roc Marciano poursuit sa mise à jour du rap de rue new-yorkais, avec ses carambolages d'assonances et d'allitérations, avec son style verbal dépouillé qui sent l'asphalte et qu'il baigne dans une atmosphère glauque. Il a même accéléré le mouvement, avec une année particulièrement productive, qui s'est ouverte par RR2, l'un de ses tous meilleurs albums.
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# 02. CRIMEAPPLE - Aguardiente
Dans la famille des Roc Marciano, Westside Gunn et Conway, je demande le Colombien. Originaire de ce pays, CRIMEAPPLE a livré, associé au producteur Big Ghost Ltd, l'album de rap de rue new-yorkais ultime de l'année, un disque où tout (samples, scratches, ambiance mafieuse, vocabulaire riche, textes remplis de savantes allitérations), tombe à sa place, ou tout est comme il faut.
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# 01. 03 GREEDO - The Wolf of Grape Street
03 Greedo a été, en 2017, la dernière sensation rap californienne en date. Et en 2018, juste avant d'être envoyé en prison pour longtemps, il a confirmé avec un album, et avec cette mixtape, compilation d'inédits et de temps forts de ses projets d'avant, où son style plaintif et introspectif se présente comme la synthèse accomplie des grandes tendances du gangsta rap contemporain.
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LE CLASSEMENT DES LECTEURS
Parce qu'il aura sorti son album trop tard dans l'année, sans doute, Kodak Black n'aura pas remporté les suffrages une troisième fois chez les lecteurs de Fake For Real. A sa place, ils auront désigné ce qui, de l'avis général, est le meilleur solo d'un grand nom de la décennie précédente. Suivent une incroyable variété de projets, de tous styles, de toutes localités, qui reflètent presque à la perfection la pluralité et l'omniprésence du rap, en cette fin de décennie.
- PUSHA T - Daytona
- KODAK BLACK - Dying to Live
- ROC MARCIANO - RR2: The Bitter Dose
- Z-MONEY - Chiraq Mogul
- SCH - JVLIVS
- 03 GREEDO - God Level
- FREEZE CORLEONE - Projet Blue Beam
- DENZEL CURRY - Ta13o
- ALPHA WANN - Une Main Lave L'Autre
- KODAK BLACK - Heart Break Kodak
- GREMS - Sans Titre #7
- $UICIDEBOY$ - I Want to Die in New Orleans
- ROC MARCIANO - Behold A Dark Horse
- YUNGEEN ACE - Life of Betrayal
- LIL WAYNE - Tha Carter V
- PLAYBOI CARTI - Die Lit
- MAXO KREAM - Punken
- KEKRA - Land
- NIPSEY HUSSLE - Victory Lap
- VALEE - GOOD Job, You Found Me
- J.I.D. - Dicaprio 2
- JPEG MAFIA - Veteran
- STARLITO - At WAR with Myself Too
- KIDS SEE GHOSTS - Kids See Ghosts
- CHIEF KEEF - Back From the Dead 3
- SOB X RBE - Gangin'
- KNOWLEDGE THE PIRATE - Flintlock
- RETCH - After the Verdict
- CHIPPASS - Original Yangster 3
- PAYROLL GIOVANNI - 4-1P
- EARL SWEATSHIRT - Some Rap Songs
- SHECK WES - Mudboy
- HUSALAH - H
- EVIDENCE - Weather or Not
- 03 GREEDO - The Wolf of Grape Street
- PAYROLL GIOVANNI & CARDO - Big Bossin' Vol. 2
- ROC MARCIANO & DJ MUGGS - Kaos
- LIL BLOOD - Ndugu
- FREDDIE GIBBS - Freddie
- LA PRUNE - Alambiqué
- TRAVIS SCOTT - Astroworld
- BALOJI - 137 Avenue Kaniama
- BOOSIE BADAZZ - Boosie Blues Café
- CONWAY - Blakk Tape
- JAY ROCK - Redemption
- POLYESTER THE SAINT - American Muscle 5.0
- LUPE FIASCO - Drogas Wave
- PEEZY - No Hooks
- JOE LUCAZZ - No Name 2.0
- HOMEBOY SANDMAN & EDAN - Humble Pi
AUTRES SORTIES NOTABLES
2018 a été une riche, riche, riche année, pour le rap. Tout, à notre époque, est rap. Tout ce qui, vingt ans plus tôt, nous aurait été offert via d'autres genres musicaux, adopte aujourd'hui cette forme. Qui plus est, la production d'albums, EP, mixtapes ou autres projets est démultipliée par la puissance, la facilité et la variété des divers canaux offerts par Internet. Aussi faudrait-il des pages et des pages pour rendre compte de toutes les sorties remarquables de l'année, qui n'ont pas été sélectionnées plus haut. Malgré tout, en voici toujours quelques unes.
Les très prisés 03 Greedo et Drakeo the Ruler étant derrière les barreaux, il est revenu parfois à de seconds couteaux de représenter la nouvelle scène rap de Los Angeles en 2018. Tel fut le cas par exemple de 1TakeJay, un membre du collectif OneTakeBoyz basé à Compton, et dont le rap énergique, juvénile et motivé par ses appétits sexuels, a concouru à faire de son premier solo un bon album mineur.
5.1.NINE.0.2. - When a Name is Just a Number
Derek MacKenzie, membre fondateur de Hip Club Groove, est l'un des vétérans qui fut au fondement de la scène hip-hop d'Halifax, laquelle eut son heure de gloire à l'époque des labels de rap indé. S'orientant rapidement dans la voie du rock, il est celui, pourtant, qui a laissé le moins de traces. Mais en 2018, avec son ami Recordface, il rattrape le temps perdu avec cet album-bilan plus que présentable.
La mère est un sujet ancien dans le rap, mais il est rare qu'elle s'exprime en personne. Chez Brittnee Moore, cependant, la maternité est centrale, comme l'indique son pseudo. Celle qui, à la ville, élève seule ses deux duos de jumeaux, a retenu de son expérience des hommes que l'indépendance est la solution. Ce qui compte, c'est elle, c'est sa cellule familiale. Et c'est ce que transcrit sa musique.
En 2018, Cardi B est définitivement intronisée. Comme annoncé depuis plusieurs mois, elle devient la nouvelle reine du rap, emportant sans coup férir l'adhésion du public et celle de la critique. Et c'est mérité, vu cet album malin, truculent et fort en tubes, voué tout entier à célébrer la revanche de cette ancienne pauvre, de cette ex-stripteaseuse, de cette Latina, et de cette femme.
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Le titre clé de Cookie Money, ce fut "Pops Died Last Week" en 2017. Un an après, il continue sur le même thème. Il livre un rap de rue qui serait générique, s'il n'était pas habité par la mort de son père, celui-là même dont l'emprisonnement le poussa dans la rue, et s'il n'y avait pas la voix calme, menaçante et basse qui, avec une musique juste, est la carte maîtresse du ressortissant d'East Oakland.
DAMEDOT - Courtesy of the Mafia
Damedot est avec Peezy le membre essentiel de la Team Eastside, et à ce titre l'un des artisans du son de Detroit. Ses nombreux albums le prouvent, qui en déroulent la formule au mètre. Tous ou presque sont bons. Mais parmi eux, Courtesy of the Mafia mérite une mention, qu'il nous propose un rap nerveux typique des lieux, ou un moment plus posé comme "Spend Some Money".
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GLOKKNINE - Bloodshells Revenge
Glokknine s'exprime comme Kodak Black. Il a sa voix rauque et marmonnée, il a la même propension à concasser ses mots. Mais qu'on ne s'y trompe pas : il n'est pas une copie conforme, il a son talent propre. Et à écouter ses singles réussis, à l'entendre s'exprimer avec des compères qui cultivent peu ou prou le même style, on se dit que c'est toute une école de rap que nous révèle la Floride ces jours-ci.
Evander Griiim vient du Texas, d'El Paso plus précisément, et il est en partie d'origine mexicaine. Celle-ci s'entend parfois, notre homme aimant parsemer son rap de paroles en espagnol, mais pour le reste, le nom de ses invités ne trompe pas : c'est une déclinaison réussie du rap hédoniste, exubérant et juvénile en vigueur aujourd'hui à Atlanta, que nous offre l'auteur de l'irrésistible "Right Now".
2018 est aussi l'année de Goonew. Avec ses raps susurrés de façon inquiétante, avec l'appui des sons sinistres et minimalistes du producteur Cheecho, le rappeur des abords de Washington développe une formule originale, qui souligne à la perfection la froideur et les dangers de la vie criminelle, comme l'illustre très bien son second projet marquant sorti cette année, Goonrich Urkel.
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Sorti officiellement en 2018, Relentless a clos la chevauchée fantastique du rap de Detroit en 2017. Le style de GT, cependant, se distingue du son dominant dans cette ville. Sa voix grince, couine et croasse, ses sons sont plus effacés, plus lents et plus contemplatifs. Par un effet de contraste entre la posture et le ressenti, ils évoquent la tristesse de celui, le garçon de la rue, à qui il est interdit d'être triste.
Kash Doll, la plus emblématique des "poupées" qui ont envahi le rap de la fin des années 2010, représente son époque. Cette victime de la mode s'appuie sur les réseaux sociaux pour construire sa notoriété, elle délivre une après-trap plus proche des formules d'Atlanta que de celles de sa ville de Detroit, et elle exalte une réussite personnelle qu'elle n'a pourtant pas encore tout à fait accomplie.
KODAK BLACK - Heart Break Kodak
Un homme accusé de viol sort, le jour de la Saint Valentin, un album dépressif sur l'amour et sur les peines de cœur. Voilà ce qui pourrait sembler provocateur et déplacé, voire impardonnable. Mais il se trouve que cet homme est peut-être le grand rappeur de notre temps, et qu'il livre sur Heart Break Kodak une chronique remplie de temps forts, dédiée à l'incompatibilité entre la rue et les sentiments.
Le deuxième album officiel de Kodak Black est victime de ses contradictions. D'un côté on a les tubes, dont le style musical ressemble plus souvent à celui de ses invités de prestige, qu'au sien propre. De l'autre, nous avons ces épisodes introspectifs, où le Floridien fait part de ses manques et de ses peines. Comme ses autres projets, c'est donc une œuvre imparfaite, autant qu'incontournable.
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LD est l'un des pères fondateurs de la UK drill. Il est l'un des premiers à avoir porté un masque. Il est l'auteur du single "Live Corn". Il est le chef de file de 67, l'un des groupes centraux de cette mouvance. Et il comptait le rappeler, au sortir d'une peine de prison, sur ce The Masked One court, mais varié et équilibré, entre dureté et mélodies, entre menaces en groupe et égo-trip.
Les premiers albums de Leikeli47 ont pour thème la beauté. C'est le cas de celui-ci, le second, où il est question de manucure. Mais sur ce projet composite et varié, le propos est loin d'être superficiel. L'odeur des faux-ongles en acrylique n'est qu'un prétexte pour que la rappeuse masquée célèbre son univers, pour qu'elle parle avec inventivité de sa vie de fille noire dans les quartiers de Brooklyn.
Avec l'aide de rappeurs partageant sa perspective sombre et pessimiste, comme Mozzy et sa bande, Lil Blood expose sur cet album réussi la face sombre du rap de la Californie du Nord. Sur une musique lente, lourde, posée et oppressante, le rappeur de West Oakland raconte de sa voix râpeuse une vie faite de douleurs, de violence, de déloyauté, de diverses trahisons et de défiance envers les autorités.
On a pu reprocher à Glokknine d'être un sous Kodak Black, puis à LPB Poody d'être un sous Glokknine. Les ressemblances sont criantes, et pourtant ces accusations ne tiennent pas, à l'écoute de la mixtape très réussie qu'a su livrer le dernier cité. Tous ces gens de Floride, en fait, représentent fièrement une nouvelle école, qui est elle-même la dernière itération capitale d'une longue et vieille tradition de rap.
Repéré et pris en main par Yo Gotti, le rappeur Moneybagg Yo, qui s'inscrit dans la tradition désormais bien établie des mauvais garçons mélancoliques, n'a pas cessé de voir sa cote grimper depuis 2016. Sa notoriété a cessé d'être circonscrite à la scène Memphis pour devenir nationale. Et à raison, comme le démontre 2 Heartless, une mixtape sans véritable tube, mais avec un léger supplément d'âme.
Auteur avec Ballin Ain't a Crime d'une des meilleures sorties de 2017, Team Eastside Peezy a rempilé en 2018, avec No Hooks. Il s'agit d'un projet court, et comme son nom l'indique, sans refrain. Peezy y assène ses vers de manière implacable, en adéquation avec son rap de rue et ses stances rudes, en phase totale avec cette musique intense et sans répit qui est aujourd'hui celle de Detroit.
Rico Nasty a mis du vinaigre dans sa "sugar trap". Epaulée par Kenny Beats, celle qui s'est fait connaître par ses vidéos colorées et ses références décalées au monde de l'enfance, s'est peu à peu réinventée, pour devenir par instants une rappeuse punk énervée. Nasty est l'aboutissement de cette évolution. Il est aussi, sans doute, le meilleur projet sorti à ce jour par la jeune femme du Maryland.
Album ambigu, contradictoire et excessivement éclectique, Quarterthing pourrait bien être le meilleur sorti par Save Money. Et cela, précisément parce que Joey Purp est allé chercher des sons, des postures, des flows et de la spontanéité dans ce rap de genre dont le collectif de Chicago, plombé par ses ambitions, par sa posture adulte et par le poids du passé, est en temps ordinaire le contraire exact.
SOB X RBE, en 2018, c'est comme en 2017 : une musique véloce et énergique, un gangsta rap extrême et paranoïaque, le son de la Bay Area en héritage, quelques réminiscences des années 80 et quatre voix très complémentaires. La grande différence, toutefois, c'est qu'entretemps le quartet de Vallejo a contribué à la B.O. du film Black Panther et qu'il jouit désormais des égards généralisés de la critique.
Le choix de la jeunesse, le Kurt Cobain de la génération rap, ce serait donc bel et bien lui. Quelques mois avant de disparaître sous les balles, XXXTentacion avait concrétisé le succès de son album précédent avec un autre encore plus éclectique, encore plus inclassable, alimenté plus que jamais par ses contradictions, ses désordres intérieurs et sa détresse de garçon perturbé.
YUNGEEN ACE - Life of Betrayal
Basé en Floride, et survivant récent d"une fusillade, Yungeen Ace pousse toujours plus loin le registre du garçon du ghetto en souffrance, et il franchit un pas de plus dans ce rap qui ne rappe plus vraiment. Son premier projet est admirablement expressif, bien écrit, et il est sublimé par un art de la complainte et un sens de la mélodie hors-du-commun. Indubitablement l'une des grandes révélations de 2018.