Si l’on excepte la prestation de Buck 65 pour la sortie de POPvolume #3, il y a 5 ans, le concert du 27 janvier dernier au Triptyque était la première soirée hip-hop jamais parrainée par POPnews. Et sur ce coup, sans parti-pris et en toute bonne foi, nous avons eu le nez creux. En réunissant sur un même plateau trois rappeurs phares du rap indé et deux artistes méconnus de l’Arizona, les gens de Laitdbac nous ont gratifié d'un événement rap parisien réjouissant en ce début d’année.

JOSH MARTINEZ, 2MEX, AWOL ONE & THE INSECTS - Le Triptyque - 27 janvier 2007

Comme le veut la règle, le concert a commencé par ses artistes les moins notoires. Issus des Drunken Immortals, groupe pivot de la scène de Phoenix, amis du collectif Avenue of the Arts vanté sur ces pages, Brad B. et Foundation ont proposé le répertoire de leur nouveau duo, The Insects. Le premier, rappeur à barbiche, et son compère, un DJ dont Josh Martinez vantera plus tard le physique, n’ont rien proposé d’autre qu’un rap boom bap sans surprise. Qui plus est, le show est resté très statique. Enfin, par la force des choses, personne ici ne connaissait les morceaux et n’a pu les reprendre ou se réjouir à l’écoute de leurs premières notes. Pourtant, cela a fonctionné, grâce aux beats engageants proposés par Foundation et au charisme de Brad B. Certes, ce dernier n’a pas bougé d’un iota, il n’a pas quitté son pied de micro. Mais dans sa diction et dans la façon qu’il avait de fixer le public, il y avait assez de force de persuasion pour rester scotché devant lui.

Dans un genre opposé et nettement plus agité, celui qui a suivi s’est montré aussi marquant. D’abord, il y a ce corps énorme qui a occupé la moitié de la scène. Ensuite, il y a ce phrasé haché menu inimitable, ces raps déclamés les yeux mi-clos, comme en transe. Enfin, il y a ces mouvements auxquels s’est essayé le gros latino. 2Mex ne s’est pas économisé, il s’est donné à fond, tout de suite, s’essayant à quelques pas de danse, quittant la scène pour s’enfoncer dans le public, jouant du registre de l’entertainer, à l’instar de son copain Xololanxinxo il y a trois ans au concert parisien des Shapeshifters. Les deux d’Of Mexican Descent ont le même jeu de scène, les mêmes astuces, rappant par-dessus des titres rock (cette fois, ceux de Weezer et de The Cure), puisant dans l’ensemble de leur carrière, de l’excellent "Shades Of Orange" produit par Nobody, aux titres du récent projet $Martyr avec Liferexall. C’était donc très bien, mais à une nuance près : la générosité de 2Mex envers son public a son prix, et à mesure que le concert s’est avancé, suintant de sueur, le rappeur latino a payé pour cette obésité sur laquelle il n’a cessé d’ironiser, il n’est plus parvenu à monter en puissance.

JOSH MARTINEZ, 2MEX, AWOL ONE & THE INSECTS - Le Triptyque - 27 janvier 2007

Toutefois, le rappeur n’a pas perdu son humour. Pour annoncer Awol One, 2Mex s’est lancé dans une imitation de son acolyte. Lequel est arrivé, vêtu d’un gros manteau qu’il n'allait ôter qu'à la fin. Il faut dire qu’il n’allait pas risquer de suer avec le show qui a suivi. Sans conteste, l’auteur de Souldoubt, Slanguage et Number 3 on the Phone a été la déception de la soirée. Il a oublié qu’il avait un public devant lui. Il s’est montré désinvolte, mouvant, flottant, sans présence. Et pour ne rien arranger, Awol One a commencé exclusivement avec des titres récents, ses moins réussis. Et quand en fin de course, il s’est enfin lancé dans les classiques "Sleeping All Day" et "Ignorance", il était trop tard. Les connaisseurs ont voulu se convaincre qu’ils étaient contents, mais pour les autres, il n’y avait pas assez de nerf et trop de je-m’en-foutisme pour susciter l'envie. Dommage.

JOSH MARTINEZ, 2MEX, AWOL ONE & THE INSECTS - Le Triptyque - 27 janvier 2007

A force, la salle s’est dégarnie au profit du bar et des fauteuils. Mais cela n’a pas duré. Tout à coup, au moment où tous allaient s’endormir, Josh Martinez est apparu. Et pas n’importe comment. Le fantasque Canadien a fait son entrée au son tonitruant de "Eye of the Tiger", hurlant les paroles comme un rockeur transi. Tout de suite, le public s’est massé à nouveau devant la scène pour découvrir le phénomène. Et il n’a pas été déçu. Les facéties du rappeur et ses échanges en français avec le public auront rendu le personnage attractif et attachant, de même que ses blagues sur son physique et sur celui de Foundation, toujours au deejaying, ou ses remarques ironiques sur la façon de tenir le micro du rappeur qui l’accompagne. Qui plus est, ce qui ne gâche rien, Josh Martinez a joué les meilleurs titres de Buck-Up Princess, de Midriff Music et du dernier Chicharones, avec en sus des inédits prévus pour un prochain album, comme "Fight or Fuck".

JOSH MARTINEZ, 2MEX, AWOL ONE & THE INSECTS - Le Triptyque - 27 janvier 2007

Pour rappeler qu’ils sortent ensemble un album ces jours-ci, Josh Martinez a fait revenir Awol One le temps d’un titre à deux. Cela aura été le seul moment dans la soirée où le Californien aura daigné bouger ses fesses, le morceau se terminant par un brin de chorégraphie. Après ce duo, s'épongeant le front pour la énième fois avec son écharpe, le Canadien s'est lancé dans un ultime titre. Dommage à ce moment que le concert soit tenu par des contraintes horaires. Convaincu, le public aurait été prêt à suivre le Canadien un peu plus longtemps. Mais la suite sera à découvrir sur disque plutôt que sur scène, sur ce Splitsville que les deux rappeurs viennent de terminer avec DJ Moves. En attendant de le découvrir, un grand merci aux organisateurs pour cette affiche alléchante qui aura su tenir ses promesses.

Merci à l'équipe de Laitdbac pour cette soirée réussie.
Merci à Romain de True Duke pour les photos.