Petit à petit, année après année, l'exposition médiatique progresse pour la scène de Detroit. Et cela, naturellement, impacte sa musique. A mesure que ses protagonistes s'acoquinent avec de gros labels ou des structures de promotion nationales, au moment même où certains intègrent la liste des Freshmen, elle devient moins régionale, et elle diversifie ses thèmes. L'introspection est désormais de rigueur, en plus des vantardises du rappeur des rues. Tout récemment, cela s'est vu sur les albums de BabyFace Ray et de Lonnie Bands.

ICEWEAR VEZZO & DJ DRAMA - Paint The City

Comme ces derniers, Icewear Vezzo est un rappeur phare de la ville, et il bénéficie depuis longtemps de l'intérêt des gros. Il y a quelques années déjà, il a fricoté avec le label le plus prestigieux de sa ville, la Motown. Cela n'a pas duré, mais ses collaborations avec Big Sean, Future, Lil Baby, Lil Durk, E-40 ou Jim Jones ont confirmé qu'il devenait une figure nationale. Et il y a quelques mois, il a rejoint Quality Control.

Cependant, au lieu d'élargir sa palette et de se transformer en artiste, lui opte pour la meilleure voie, celle qui a fait ses preuves depuis longtemps : une mixtape avec DJ Drama, la première de la série Gangsta Grillz avec un type de Detroit.

C'est, au fond, ce qui va le mieux à un rap aussi sale et énergique que celui du Michigan. Paint The City, en effet, réunit le meilleur des deux mondes : des références du coin telles que G.T. et Peezy, des producteurs du cru comme Smoke Beats et Antt Beatz, et de grandes figures d'Atlanta telles que Jeezy, Future et 2 Chainz (plus un d'autre qui a toute sa place ici, Kodak Black, sur le single "It’s All On U").

A l'opposé de ses collègues, Icewear Vezzo persévère avec cette tonalité triomphante qui va bien à ces deux grandes villes de rap. "Fuck a record label, we too real", s'aventure-t-il même à dire, tout cornaqué soit-il par Quality Control.

Ses propos sont ceux habituels chez les rappeurs de Detroit, ceux-là même qu'ils ont retenus, à l'origine, de l'influence de No Limit et de Cash Money : les vantardises éhontées de délinquants rudes, l'effronterie d'un "real nigga", l'agressivité envers les gangs rivaux, l'étalage de Rolex et d'autres preuves matérielles de réussite, et les filles traitées comme des kleenex ("je ne peux pas aimer une pute comme je m'aime moi-même", entend-on sur "Myself"). Icewear Vezzo parle parfois de sa douleur, comme sur le très bon "Nobody". Il partage ses peines sur "One Time", mais ce sont celles du dealer qui travaille dur qu'il expose avec Jeezy, un expert en la matière.

A toutes ces paroles nihilistes et décadentes s'ajoutent les braillements et les tags sonores du DJ, autrefois presque insupportables, désormais une Madeleine de Proust, et même un sample du "First Day Out" de Gucci Mane, sur "Day 6".

Et c'est exactement cela qu'il nous faut. La dernière chose que nous attendons des rappeurs de Detroit, c'est qu'ils cherchent à devenir Drake. Nous, on veut qu'ils soient de nouveaux Jeezy, de nouveaux Guwop, et qu'à l'ancienne ils passent par ce rituel indispensable à tout rappeur qui compte : une mixtape qui sent bon la rue avec DJ Drama.

Acheter cette mixtape