La violence, indissociable du rap de rue de Detroit, elle nous attire, elle nous interpelle, elle nous émoustille de manière malsaine. C'est elle qui rend cette musique si prégnante, si puissante, si pertinente. Et si c'est le cas, c'est peut-être parce que tout ça, malheureusement, n'est pas que du chiqué.

TAY BLOOD - Diary of Me

L'actualité nous l'a rappelé en 2020, avec la mort brutale de deux figures du collectif BandGang, Jizzle P et Paid Will. Elle l'a même fait bien avant tout cela. Rappelons-nous que le père fondateur de toute cette scène, Blade Icewood, a été assassiné dès 2005, un an après qu'une première attaque à l'arme à feu l'ait envoyé dans une chaise roulante. Et plus récemment, à la fin de la décennie 2010, quelques autres acteurs de cette scène ont subi ce même sort funeste, notamment Doughboy Roc, Eastside Snoop, et donc, Tay Blood.

Ce dernier avait tout pour devenir l'une des figures marquantes de cette scène, à réécouter son seul album, un très court Diary Of Me sorti en 2017. La violence, encore elle, est au cœur de cette sortie, qui commence avec quelqu'un déclarant fermement, sur des bruits de mitraillette, qu'il est le négro le plus macho du coin. Cette brutalité est soulignée par la voix incroyablement rauque de Tay Blood, une voix que certains, par facilité, ont comparée à celle de DMX.

Exprimant une soif de brûler sa vie par les deux bouts, il dépeint les rigueurs de la jungle urbaine sur "Through The Struggle". Il trouve la vie trop courte sur "Street Life". Il veut tout tout de suite sur "Everythang", un titre relevé avec Damedot et Reup produit par DamJonBoi, tout comme ce "Paper", où il place l'argent au-dessus de toutes choses.

Tay Blood emprunte tous les passages obligés de ce type de rap, y compris les chants R&B casse-bonbon sur "Street Life", ainsi que sur ce "Ms. Independent" plus réussi où il défend son idéal féminin, une compagne forte capable de mener toute seule ses affaires criminelles. Il n'en délivre pas moins quelques bijoux, comme les prenants "Through The Struggle" et "Everythang", les cloches du plus bel effet de "Boss Life", la conclusion enlevée de "The One", et le grand tube de Diary Of Me, ce morceau grâce auquel ce rappeur mort gagne avant sa mort sa petite place au panthéon du rap de Detroit, un "Raised Different" entonné avec FMB DZ.

Tout cela est prometteur, mais tout cela sera sans suite. "Cette histoire ne finira pas, jusqu'à ce que je sois enterré", Tay Blood dit-il par bravade sur "Bishop". Ce qui est le problème auquel sa carrière se heurtera : il sera enterré trop tôt.

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