L'histoire de Gucci Mane et celle de la mixtape sont intimement liées, on le sait. Cette convergence commence avec la fondamentale Chicken Talk, en 2006. Elle s'accélère l'année d'après avec plusieurs autres sorties, dont la plus remarquable est sans doute No Pen, No Pencil. Et en 2008, le rappeur atteint sa vitesse de croisière, avec toujours plus de projets de ce type, dont un, The Movie, organisé vaguement autour des thèmes de la célébrité et du cinéma, le rappeur se comparant à plusieurs acteurs ou personnages de film sur les morceaux "Feelin Myself", "I'm A Star" et "I Live In A TV".

GUCCI MANE - The Movie

Bénéficiant pour la première fois du label Gangsta Grillz, celui de DJ Drama, The Movie est un autre jalon dans la discographie prolifique de l'homme de la Zone 6. L'évolution de son statut y est visible, avec par exemple le titre le plus radiophonique de la mixtape, cette déclaration d'amour à l'argent qu'est "Love For Money", où défile une ribambelle de rappeurs et de chanteurs d'horizons très divers comme Bun B, LA The Darkman, Flo Rida, et Trey Songz au refrain.

Ce titre, à l'origine un single extrait de l'album Absolute Greatness de Willie the Kid, n'est cependant pas du pur Gucci Mane. Ce dernier n'y fait que de la figuration, et c'est ailleurs sur la mixtape qu'on retrouve le cœur de son style.

Sur The Movie, en effet, le rappeur s'adonne à ses égo-trips légendaires ("Feelin Myself", "I'm a Star", ce chouette "Photoshoot" produit par Drumma Boy, ou "Killed The Parking Lot", dont la musique est signée par un jeune Mike Will). Ses morceaux exaltent le deal de drogue ("Smoke", avec Willie the Kid encore), et ils mettent en scène une vie fantasmée faite de luxe, de filles et de belles voitures ("Top Of The World" et "You Know What It Is 2"). Ils nous vantent aussi, avec humour, les exploits sexuels du narrateur ("Bachelor Pad"), ou bien son charme auprès de la gent féminine, ("Show Me", et sur "Shirt Off"). Et tous ces titres, comme toujours, donnent dans tous les excès et toute la démesure.

Gucci Mane marque les esprits par ces vieilles routines, mais aussi par d'autres biais, comme quand, avec Gorilla Zoe, sur un sample du standard "Rainy Night In Georgia" de Brook Benton, il dédie un morceau à son Etat de Géorgie, ou quand, sur "Money Tell", il s'adonne à ses hyperboles habituelles ("my money tall as a house, mansion tall as a building, my money tall as the ceiling, my money tall as the ceiling"), mais en empilant ses mots avec frénésie, sans pause ni liaison, avec un sens de l'absurde poussé si loin qu'il frise l'abstraction, et qu'il en vient à évoquer l'aliénation mentale dont le rappeur parle un peu plus tard, sur "Lost My Mind".

L'année suivante, Gucci Mane collectera les fruits de son activisme et de son excellence sur le front des mixtapes. Il en proposera plusieurs autres, signera chez Warner, sortira deux albums et profitera d'une couverture médiatique inédite. En 2009, aussi, il offrira deux suites à ce The Movie, confirmant ainsi l'importance, dans sa carrière et dans son œuvre, de cette première collaboration avec DJ Drama.

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