Apparu à la fin des années 90 au bénéfice de la vogue du rap indépendant, Anticon était un monde à part au sein de l'underground hip-hop. Basé comme tant d'autres sur la trépidante Baie de San Francisco, mais regroupant des gens originaires de tous cieux, le label mené par Sole avait su fédérer autour de lui une importante communauté d'artistes marginaux, en rupture totale avec les routines du rap.
Mush Records / Big Dada :: 2001 :: acheter ce disque
Le hip-hop, normalement, était porté par des hommes noirs. Il se voulait une émanation de la rue, il plongeait ses racines dans la great black music, il révérait les rythmes hypnotiques et les boucles austères. Sole et sa bande, cependant, étaient tous blancs, middle-class, flirtaient avec la pop indé et l'électronica, et leur musique partait dans tous les sens. Décomplexés par expérimentations de groupes à la Company Flow, assumant toutes ces caractéristiques qui, autrefois, avaient été leurs handicaps, ils en faisaient un avantage, poussant le hip-hop sur des voies nouvelles, ouvrant grand la fenêtre pour faire entrer de larges bouffées d'air frais.
Dès 1999, le label avait été un chouchou de l'underground et de l'Internet hip-hop, et des chroniques dans les magazines Wire et Muzik les avaient révélés à un public plus large. Il fallut attendre cependant l'année suivante pour voir un de ses groupes distribué en France, même pas sur Anticon, le comble, mais via le label Mush et les Anglais de Big Dada. Manque de chance pour qui souhaitait s'initier en douceur au son du label, cLOUDDEAD était le plus extrême de leurs projets.
Entreprise commune du producteur Odd Nosdam, du rappeur Why? et du fantasque et prolifique Dose One, reconnaissable à sa voix nasillarde et à ses paroles fantaisistes, cLOUDDEAD frappait fort. Plus abscons que jamais, le rappeur de l'Ohio et son comparse posaient sur des compositions éthérées qui avaient bien plus à voir avec le post rock ou l'ambient de Brian Eno qu'avec des beats hip-hop. Histoire de pousser plus loin le concept, l'album était divisé en 6 grands titres alambiqués, eux-mêmes décomposés en mouvements, autrefois disponibles séparément en format maxi, et qui comptaient à chaque reprise un invité, soit un affilié à Anticon, soit une autre figure de la scène indé, comme le rappeur Illogic.
Tout en expérimentation et en abstraction, ce rap là flirtait dangereusement avec les égarements passés du rock progressif, mais il n'y sombrait pas. Au contraire, dans des passages de choix comme les deux "Jimmy Breeze" et "Apt.A (2)", il n'y avait plus que de la grâce. Quant à savoir si cela était encore du hip-hop… Le débat n'est toujours pas clos, et n'a de toute façon pas la moindre importance.
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