Ce qui frappe, à premier abord, lorsqu’on rejoint ce concert au Nouveau Casino, c’est à quel point, alors que d’autres gens issus de la même scène sont tombés dans l'oubli, Buck 65 a su sortir son épingle du jeu. Celui-là, en effet, ne se produit pas dans la confidentialité d’un bar, mais dans une salle comble, et devant un public très divers en termes d’âge et de sexe. Les gens l’attendent, l’acclament, le révèrent comme l’artiste reconnu et, finalement, assez médiatisé, qu’il est devenu.
Pour autant, et malgré ces vingt ans de carrière qu’il célèbre sur son dernier album, il n’est pas certain que Buck 65 soit à l’aise avec la notoriété. Il s’adonne à l’exercice du showman, mais de manière gauche et timide, sans regarder son public en face (hormis pendant cette longue introduction où il le fixe en attendant de se lancer), s’essayant à des danses énergiques mais empruntées, à une étrange chorégraphie tout en mouvements de bras, façon Ian Curtis, se cachant un moment derrière sa casquette ou gesticulant devant le mur du fond.
Mais ce que Buck 65 manque en charisme, il le gagne en inventivité. On ne s’ennuie pas avec lui. Il passe sans arrêt du coq à l’âne, alternant pas de danse saccadés, raps, bribes de chant et séances de scratch. Et puis il n’est pas seul. Pour interpréter l’essentiel des morceaux de 20 Odd Years, des duos pour la plupart, il est accompagné d’une chanteuse, une grande blonde un brin glaciale qui, si mes oreilles ne m’ont pas fait défaut, semble se nommer Marie. A cette invitée s'en est ajoutée une autre, petite, brune et mutine celle-là, l'ex-vedette de télé-réalité Olivia Ruiz, venue interpréter "Tears of your Heart" sur scène pour la première fois, pense-bête en main pour mieux se souvenir des paroles.
Promotion oblige, le concert se focalise en grande partie sur les titres de 20 Odd Years, y compris la jolie reprise du "Who by Fire" de Leonard Cohen, et excepté ce "She Said Yes" qui, à mon goût, est pourtant son temps fort. Toutefois, Buck 65 sait aussi épicer sa formule d'autres ingrédients. D’entrée, juste après "Superstars Don't Love", il revient au single qui l’avait révélé en 1999, le tonitruant "The Centaur". Il entonne aussi le beefheartien "Le 65isme" et ce "Drawing Curtains" ténébreux, deux titres de Secret House Against the World, son meilleur album pour Warner. Et de Situation il extrait le toujours efficace "Dang", en rappel.
En rappel, aussi, deux autres réinterprétations. Un rap sur l’instru du "This Deed" d’Electrelane puis, en conclusion, une version personnelle du "Au Suivant" de Brel. Un peu plus tôt, dans le même genre, c’est le "Venus in Furs" du Velvet que notre homme et sa chanteuse avaient investi, celui-ci déroulant un phrasé purement Buck 65 sur le violon et la guitare troublants du titre, sans que cela ne jure.
Le show était rodé, donc. Divertissant, malin, amusant, et bien sûr profondément renouvelé par rapport à cette lointaine époque, il y a neuf ans, où Buck 65 dialoguait avec son public, où il prenait plaisir à lui raconter d'abracadabrantes histoires. Ce qui n’a rien de surprenant pour un homme qui, il l’a démontré le long de ses vingt années de carrière, n’a jamais été en manque d'idées et d’inventivité.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/1547