Les collaborations hip-hop transatlantiques n’ont pas toujours été de franches réussites. A quelques "Le Bien, Le Mal" près, la plupart des raps franco-américains sont de sinistre mémoire et l’album international de RZA d’il y a quelques années s’est révélé un gros pétard mouillé, pour prendre un exemple parlant. Au mieux, par angélisme, les artistes qui se lancent dans de telles aventures veulent naïvement démontrer leur ouverture d’esprit. Au pire, avec cynisme, ils comptent s’ouvrir de nouveaux marchés ou s’acheter une crédibilité à moindre prix. Il y a rarement de véritable convergence de vue, de volonté conjointe de faire œuvre.
Calderas of Mind, cependant, fait exception. Les Floridiens latinos de Botanica del Jibaro et les Allemands de Mooncircle Project ont en commun une vision large du hip-hop, ouverte sur bien des pans sur la musique électronique, et cela se ressent. Certes, cette compilation germano-floridienne se livre au grand écart. Elle s’étend du rap très classique de Soarse Spoken sur "Ghost In A Shell" aux bidouillages d’XNDL sur "Still There". Mais cela est naturel, sans couture apparente. Les deux écuries se livrent toutes deux à ce mélange des genres et des couleurs, à égalité. Elles ont prolongé le travail en commun jusqu’à concevoir l’artwork du disque à trois mains, celles d’Andy K. Gordon, de Gino Fuchs et bien évidemment de La Mano Fria.
Calderas of Mind passe donc sans dommage du rap le plus pur (celui de Seven Star et de Soarse Spoken, ou celui en Allemand de Bougaloo et Mr. Cooper, quand ce ne sont pas les voisins belgo-suédois de Zucchini Drive qui sont de la partie), à l’électronique lente d’Epstein, à celle plus dérangée de XNDL, à celle pile entre les deux de Fixture F, et à cette sorte de solo de hard rock passé à la machine qu’est "Mummy Fortuna's Theatre Company". Pour combler la distance et lier les genres, la compilation propose également quelques titres de ce qu’on a appelé autrefois l’abstract hip-hop, des titres réussis dans l’ensemble, comme le "A Thought Fissure" de Set in Sand et son joli finale en trompette, et comme le beau "Prolong" de Glen Porter. Enfin, dans la série "groove lent", le "Witness" de Manuvers s’en sort également bien.
L’alchimie fonctionne, la sauce prend et la compilation est ce que rarement les compilations sont : une suite qui chemine du pas mal au très bon et qui s’écoute sans peine de bout en bout.
"une suite de titres qui chemine du pas mal au très bon et qui s’écoute sans peine de bout en bout."
Je dirais même plus, qui s'écoute bien! J'étais un peu passé à côté mais après une écoute plus attentive je dois dire que ça me plait bien cette collaboration. Malgré un ou deux titres passables l'ensemble est assez...pas homogène... mais complémentaire je dirais. Une sorte d'alchimie.
Sinon encore une bonne chronique.