Première soirée d'une semaine faste pour le hip hop au Batofar. En ce mercredi 20 février 2001, ni plus ni moins que Mr. Len est présent sur scène, précédé les heures précédentes par les aspirants hip hop de Grand Central et les turntablists d'Audiomicid.

Mine de rien, ça n'est là que la troisième fois que le DJ de Company Flow se produit en France, après un concert au printemps 1998 à Paris en compagnie de son groupe et de Mos Def, et un autre à Montpellier en juillet 1999 avec El-P pour la sortie de Little Johnny from the Hospital. Cette fois donc, c'est seul que le DJ se charge de chauffer la salle, vers 2H00 du matin, en final d'une soirée très chargée.

Tout commence gentiment par le set de Bob Wall. Une entrée en matière agréable à écouter, mais sans risque, le DJ se contentant de passer des titres hip hop consensuels, en mesure de séduire fans de rap traditionnels tout autant qu'indie heads. Les titres se succèdent en un fond sonore qui n'incite pas à observer son instigateur de plus près, lequel se distingue toutefois par quelques enchaînements abscons : faire rapper Company Flow sur la musique sautillante du "Oooh" de De La Soul, il fallait oser, et ça nous laisse encore tout interdits.

Puis vient le temps pour les deux membres de Fingathing de prendre place sur scène. Au menu, un rouquin bouclé aux platines, assisté par un minet anglais déguisé en gentil b-boy à la contrebasse. Les deux, renforcés par les fans de leur label Grand Central, pas très hip hop mais conquis d'avance, réussissent pour le moins leur entrée en matière, à coup de scratches furibonds et de notes enflammées de contrebasse. Même les rappeurs les plus conservateurs semblent séduits. La suite s'avère pourtant moins enthousiasmante, Fingathing continuant sur sa lancée sans grand renouvellement (à part l'irruption d'un archet pour amadouer la contrebasse) et avec moins d'énergie. Les spectateurs ayant assisté aux dernières Transmusicales de Rennes ont beau jeu d'ironiser sur ce qu'ils qualifient de sous-Live Human : mais voilà, le premier DJ venu n'est pas forcément Quest, et la présence supplémentaire d'un batteur donne assurément plus de puissance et d'impact aux américains comparés à ces sympathiques anglais. Il faudra tout de même prendre le temps de vérifier de près l'album de Fingathing, paraît-il très réussi.

Le duo laisse ensuite la place au patron de son label, Mark Rae, venu assurer ici la promotion de Sleepwalking, le deuxième album du duo qu'il forme avec Steve Christian. Les habitués du show qu'il assure régulièrement sur Radio Nova n'auront pas été surpris par ce set fait de soul, de northern soul et de toutes les musiques dans cette veine racée et noire. A l'exception près qu'il n'y a cette fois quasiment jamais de rap… Curieux pour quelqu'un qui prétend proposer un hip hop à la sauce anglaise. Au final, Mark Rae parvient à merveille à produire une sympathique ambiance de fond, idéale pour discuter et commander une bière au bar, mais ne donne rien qui ressemble un tant soit peu à un concert. Peut-être n'était-ce pas le but.

Puis vient le temps de partir pour qui habite en banlieue et ne tient pas spécialement à louper le dernier RER, une fois croisé Mr. Len en chair et en os, pour la gloire et raconter plus tard à ses petits-enfants admiratifs. Le reste du récit n'est donc basé que sur le compte-rendu de quelques témoins fiables et au goût sûr. Lesquels n'ont semble-t-il pas été plus impressionnés que ça par les DJ's français virtuoses d'Audiomicid, pourtant très attendus. Au point pour certains de remettre en cause le bien fondé et la pertinence du turntablism, la dextérité de Khod et Feadz restant elle indiscutée.

Puis enfin, à une heure indue pour les gens sérieux (tout du moins pour un jour de la semaine) apparaît la star de la soirée. Tout du moins la nôtre de star. Mais là, grosse déception, très grosse déception. Les fans transis de hip hop indépendant qui attendaient fébrilement des titres Cannibal Ox, des Micranots ou d'Aesop Rock sont restés sur leur faim… Et se sont donc contentés de choses rap plus traditionnelles façon De La Soul, de soul ou de musique jamaïcaine. Un bon set, de l'avis de tous, bien géré, bien mené, bien enchaîné. Mais quand même, ça n'était pas trop la peine de faire venir le DJ de Company Flow (de Company Flow, quand même !) pour un show que n'importe quel DJ français pas trop nase aurait pu assurer.

Après cela, interrogations et supputations vont bon train. Sans doute Mr. Len, complètement ignorant de l'état du hip hop en France, a-t-il voulu jouer la sélection la plus sûre et consensuelle possible. Peut-être après tout est-il le membre le plus traditionaliste de feu Co-Flow, laissant à Bigg Jus et à El-P le rôle de prospecteurs. Quoi qu'il en soit, le DJ a clos une soirée hip hop qui fut une déception d'un bout à l'autre, un coup d'épée dans l'eau. Tout juste retenons-nous le premier morceau de Fingathing comme bon moment de ce programme au Batofar… C'est dire. Rentrés penauds chez nous, il ne nous restait donc plus qu'à espérer mieux du concert de TTC qui avait lieu le lendemain au même endroit.

Merci à DJ Proteze pour la photo.