Les oeuvres de l’écurie Solesides, aujourd’hui Quannum, se répartissent en deux catégories : d’une part des albums solides, homogènes, désormais des classiques (Endtroducing..., Nia), de l’autre des compilations disparates, rassemblement de morceaux épars et hétérogènes (The Album, Spectrum). Sans le moindre doute, Solesides Greatest Bumps appartient à la seconde. Pour célébrer leur arrivée chez Ninja Tune, les cinq rappeurs ont sorti une collection d’inédits, de raretés et de singles sortis à l’époque héroïque du label, certains avant même que les amateurs de musiques électroniques n'aient annexé DJ Shadow à leur genre de prédilection.

QUANNUM - Solesides Greatest Bumps

Il y a donc de tout sur les deux CDs des Greatest Bumps. Les oeuvres de Lateef, de Lyrics Born et de The Gift of Gab du temps où ils évoluaient en solo, celles des duos Latyrx et Blackalicious qu’ils ont formé ensuite, les premiers délires instrumentaux de Shadow ("Entropy"), genèse d’un genre nouveau promis à un brillant avenir. De nombreux singles, notamment le classique et toujours aussi époustouflant "The Quickening" de Lateef the Truth Speaker produit par Shadow, déjà présent sur The Album, ou "Lyric Fathom", le premier Blackalicious. Un extrait de Melodica, le premier EP mythique de ces derniers. L’excellent et surprenant "Lady don’t Tek no", taillé pour les plus torrides des dance-floors, avec sa ligne de basse cramée et si efficace.

Quelques freestyles s'ajoutent à cela, notamment ceux de Lateef, sans doute le meilleur rappeur de la bande, ainsi qu'une version a cappella d’un morceau déjà connu ("Last Chance to Comprehend"). Se retrouvent enfin quelques raretés uniquement sorties sur cassettes jusqu’ici comme "Rhyme Like a Nut!" de Gift of Gab, première production enregistrée de Shadow, remarqué en son temps par The Source dans sa section "Unsigned Hype". Et, en toute fin, un prodigieux et relativement récent "Blue Flames" avec les Quannum MCs au grand complet.

La compilation propose plus de vingt titres importants, dont chacun mérite un paragraphe. Par chance, l’équipe Solesides s’est livrée justement à ce travail, le livret de l’album relatant l’histoire de chaque morceau, et celle du défunt label en général. Il est une mine d’informations qui devrait permettre, dans un monde idéal, au public très large de DJ Shadow et de ses quatre comparses, de découvrir le contexte grâce auquel ces artistes sont apparus. De se pencher sur le hip-hop indépendant, de la Bay Area et d’au-delà. Et de se familiariser, dans le meilleur des cas, avec les noms de Freestyle Fellowship, du Good Life Café, de Peanut Butter Wolf, de Bobbito Garcia, de Cut Chemist, de David Paul et d’autres qui parsèment le livret. Voire, mais là on rêve, de s’intéresser à l’immense et bouillonnante scène musicale cachée derrière ces gens.

Evidemment, l’intérêt premier de la compilation est historique et didactique. La qualité est exceptionnelle, mais l'ensemble n'est pas toujours cohérent, malgré ses morceaux qui n’ont absolument pas vieilli. Les freestyles, de leur côté, sont toujours surprenants et saisissants de virtuosité et d’aisance verbale, mais ils s’insèrent avec difficulté dans cet album. Les oeuvres de l’écurie Solesides, on le repète, se répartissent en deux catégories : des classiques définitifs et des compilations disparates, et Greatest Bumps fait immanquablement partie des deuxièmes. Mais toutes sont rigoureusement indispensables. Et cette compilation ne fait pas exception.

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