Back To Square One, s'intitule le quatrième long-format de Digga D, un album qu'il tient à présenter comme une mixtape. Son contenu, cependant, n'a pas grand-chose à voir avec ce qu'il désigne. Il n'a rien d'un retour à la case départ. Ce garçon qui, depuis ses dix-sept ans, s'est imposé comme un chef de file de la UK drill, précipitant plusieurs singles au haut des charts anglais, s'affranchit en vérité de ce style. Sur ce projet, le premier pour son label Black Money Records, un seul titre appartient à son genre musical de prédilection. Et il se nomme, on vous le donne en mille, "Fuck Drill".

DIGGA D - Back To Square One

Les racines que Digga D prétend retrouver sont en réalité celles du rap canal historique, soit un genre infiniment plus vaste que cette formule répétitive à laquelle se résume souvent la UK drill. Il renoue avec les fondamentaux américains de cette musique, quand sur "Bine On Em" il réinterprète le tube de Luniz "I Got 5 On It", quand il cite Nicki Minaj sur "Façade", quand il déploie la boucle mélodique et irrésistible de "Soft Life", ou qu'il cartonne avec le redoutable "DTF", une sorte de rencontre entre No Limit et la UK drill. Il s'adresse à un large public, quand il injecte à sa musique les sons mielleux du R&B, ou qu'il se fend d'un refrain chanté.

Digga D fait du rap en général, pas de la drill. Néanmoins, il garde sa fibre britannique. Des titres tels que "Braids" se rapprochent de la trapwave, cette version locale de la trap dépressive sous Auto-Tune dont un pionnier, M Huncho, est d'ailleurs l'un des rares invités de cette mixtape, et concourt à l'un de ses tout meilleurs morceaux, "Baby Mum's Crib".

Back To Square One revient au rap. Mais il est aussi, pour Digga D, un retour dans son quartier de Powis Square, à l'ouest de Londres. A l'aide de guitares mélancoliques, le rappeur évoque son passé dans les rues sur le très bon "I'm From...", et sur "Me & Kinz", où il se souvient avoir fait les quatre-cents coups avec un ami décédé depuis. Les aléas de la vie de gang, il en parle en détail sur "Cherish God More", un titre nommé d'après son crew (CMG), où il est question d'autres proches disparus trop tôt et de douleurs intimes.

Quand il évoque ce passé qui ne passe pas, Digga D se penche sur lui-même, il se confesse. Dès "Fighting For My Soul", le premier titre, il se confie sur ses envies de suicide, la religion, la célébrité, la prison, la drogue, la violence et les limites à la liberté d'expression, sur un ton de chien battu. Sur le dernier, “West To North West”, il s'inquiète de l'impact que ses paroles peuvent avoir sur les jeunes. Il exprime sa rancœur envers l'industrie du disque sur le très bon "Kindness For Weakness". Même dans les moments rageurs, il y a un poil de vulnérabilité, comme avec le single "Energy".

Digga D réussit sa mue. Avec cette quatrième mixtape, il sort gagnant de l'examen de passage. Cet exercice si éminemment casse-gueule qu'est le grand disque personnel, cet abominable cliché qu'est "l'album de la maturité", il s'en tire plutôt bien. Déjà une star en Angleterre, Digga D vient de prouver qu'il était bien plus que l'artiste d'un seul genre.

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