Une poignée d’artistes, seulement, a su tirer profit pour de bon de l'engouement qui s’est emparé de la scène hip-hop d’Halifax autour de l'an 2000. Buck 65, Sixtoo, Josh Martinez sont de ceux-là. Kunga 219 et ses The Goods aussi, dans une moindre mesure. Mais d’autres sont restés désespérément confidentiels, comme Recyclone. En 2005, cependant, soso, du label Clothes Horse, décidait de réparer cette injustice en éditant une compilation de son compatriote canadien. Corroding the Dead World, en effet, était l’addition de deux anciens albums de Recyclone, Dead World et Corroding the Cellular Engine, plus quelques bonus.

RECYCLONE - Corroding The Dead World

Clothes Horse :: 1997-99 / 2005 :: acheter ce disque

Aussi intrigants que dépourvus de potentiel commercial, Dead World (1997) et Corroding the Cellular Engine (1999) remplissaient tous les critères pour devenir des enregistrements cultes. Tout d'abord, ils étaient sortis en catimini, sur cassette uniquement, et ils n'avaient sans doute pas voyagé beaucoup plus loin que les campus d’Halifax. Le passé de batteur de Jon Hutt, alias Recyclone, au sein de One Inch Punch, le groupe punk hardcore de Sixtoo, ne l'avait pas rendu célèbre, pas plus que ses sorties expérimentales, Smock (1994), Warping Solid Snakes (1995) et Dimentia 5 (1995) chez Ant Records, le label de J. La Pointe.

Ensuite, ces deux cassettes n’étaient pas franchement d’un abord facile. A leurs beats froids, austères, a-mélodiques, s’ajoutaient les divagations colériques de Recyclone sur le meurtre, les grands anciens, les humains qui se transforment en insectes ou la fin du monde ("How many seconds will elapse before the fucking world will collapse", rappait-il, rien de moins), bien dans le ton d’un certain rap pas rigolo et futuriste en vigueur à l’époque. Seul le dernier titre, un bonus en compagnie de Pip Skid, se montrait ici un minimum accueillant. Et encore...

Transfuge du metal et du hardcore que Sixtoo avait convaincu de passer au rap, Recyclone avait retenu de ces premiers amours le côté dur, agressif et asocial. Certains, à propos de tout cela, avaient parlé d'une version blanche, middle-class, intello et canadienne de Three-6-Mafia. Pas bête. Il y avait un peu de ça, en effet.

Enfin, dernier critère déterminant pour garantir un certaine cote aux deux parties de Corroding the Dead World : l’une comme l’autre étaient bonnes, avec tout de même un petit avantage pour les productions de Dead World, signées Sixtoo, plus cliniques, plus affinées, plus ardues que les beats de Corroding the Cellular Engine, assurés quant à eux par Graematter. Sur cette compilation de Recyclone, nous étions au-dessus de Numbers (le troisième album du Canadien sorti en 2003) et tout près du 50/50 Where it Counts des Sebutones. C'était le même lieu, la même date, le même exercice de style et la même atmosphère. C'était son petit frère.