Donner une consonance live à son hip-hop, l'accompagner des sonorités de "vrais" instruments, n'a pas toujours été une approche couronnée de succès. Le groupe le plus connu à s'y être essayé, les Roots, n'a lui-même pas toujours évité les écueils de la formule. Et quand un rappeur se distingue dans ce style, c'est plus souvent par ses prestations scéniques que pour la qualité de ses disques. Parsemé de sons de guitares, saxos, basses et batteries bondissants, doublé de raps facétieux, dynamiques, rythmé de scratches énergiques, le deuxième album de Toolshed, groupe de London, Ontario, se tirait cependant de l'exercice avec les honneurs.

TOOLSHED - Schemata

Dehsloot :: 2002 :: acheter ce disque

Comme toujours sur pareil disque, le ton général était clairement jazz. Mais au lieu de saxos lisses ou de basses proprettes, Toolshed adoptait une liberté formelle clairement inspirée par la scène West Coast Underground, le rap indé californien. Timbuktu (raps, prod), Choke et Psyborg (raps), Fat Mike (DJ), Andrew McCormick (basse), Danny Miles (percussions), Alex Margison (saxophone), sans oublier l'infatigable mcenroe au mastering, donnaient dans le bordel organisé. Et, comme s'il suffisait de cela pour sortir un bon disque, ça marchait formidablement bien.

Long de 20 plages, Schemata nous offrait un nombre conséquent de petites chansons rap ingénieuses, rapides et entrainantes, relancées et réinventées sans cesse par des cassements de rythme et des changements d'ambiance. Parmi elles, se distinguaient le saxophone libre et le refrain catchy de "Out of Rope", "Age In" avec sa basse colle-aux-basques et la présence de l'inénarrable Thesis Sahib, le fabuleux "Art Imitates" où se succédaient une instru jazz résolument organique et une autre, plus étrange, ainsi que les conclusifs "Unified Identity" et "Fear Less".

Quelques passages à vide, l'absence de tube, et bien sûr cette approche live qui n'était pas dans l'air du temps : ce disque cumulait trop de handicaps pour se faire connaître au-delà de l'underground rap canadien. Et de fait, Toolshed est demeuré un secret bien gardé du hip-hop indé, un groupe inconnu du grand nombre, fans de rap inclus. Ce qui n'a nullement empêché ses membres de livrer ensuite, ensemble ou en solo, d'autres albums du même tonneau que ce trésor caché.