Décidément, on ne l’arrête plus. Après avoir consacré des ouvrages similaires au pop rock, à la musique expérimentale, à la Black Music puis, avec Jean-Sylvain Cabot, au heavy metal, Philippe Robert remet le couvert, cette fois avec quatre mouvements clés nés après le punk (post-punk, no wave, indus, noise), et qui ont partagé le projet de bousculer, de maltraiter, de défier, voire de nier le rock.

PHILIPPE ROBERT - Post-Punk, No-Wave, Indus & Noise

Le Mot et le Reste :: 2011 :: acheter ce livre

Que dire de neuf cette fois ? Que dire de plus par rapport aux anthologies précédentes ? Que, une fois encore, le critique fait preuve d’un goût sûr et d’une érudition sidérante ? Que, non content de nous présenter en détail une bonne centaine d’enregistrements, Philippe Robert nous cite aussi d’autres disques cousins, qu’il complète tout cela d’une discographie complémentaire encore plus riche, doublée d’une biographie touffue, et bien sûr, en introduction, d’une mise en perspective des quatre genres traités dans ces pages ? Qu'il sait mêler quelques choix plus personnels aux grandes références des genres abordés ? Qu'il établit des parallèles entre les pionniers de ces mouvements et leurs héritiers d'aujourd'hui ? Que, loin de s'arrêter au seul univers anglo-saxon, il sait trouver quelques pépites ailleurs, notamment en France, fort bien représentée ici ?

S’il faut souligner les points communs avec les précédents ouvrages, on peut aussi revenir sur ceux qui fâchent : un style d'écriture parfois lourd, un propos difficile à suivre, à force de phrases en tiroirs, d’apartés et de parenthèses qui s’efforcent à grand peine de canaliser un flot puissant de connaissances, de références et d’anecdotes ; ou encore, ce lourd magistère que fait peser Wire sur ce nouveau livre, à tel point que Philippe Robert, dans l’article sur le What Happened de Emeralds, emploie à son tour le concept de "pop hypnagogique" que le fameux mais pédant magazine anglais se sent obligé de nous refourguer depuis des mois.

Toutefois, il y a davantage à dire sur cette dernière livraison de Philippe Robert. Et tout d’abord, que ce Post-Punk, No-Wave, Indus & Noise vient réparer un manque, un oubli : cette sous-représentation des années 80 que l’on regrettait dans son volume sur le pop rock, largement consacré à la décennie d’avant. Cette fois, quitte à revenir sur des disques déjà commentés dans l'autre livre (Cut des Slits, Colossal Youth des Young Marble Giants), ce sont les eighties qui ont les honneurs, fort logiquement, puisqu’au moins trois des mouvements traités s’y sont épanouis.

Qui plus est, Philippe Robert aborde les quatre genres sous le bon angle. Dans son ouvrage de référence sur le post-punk, Rip It Up & Start Again, l'Anglais Simon Reynolds avait un peu triché. Il avait regroupé sous cette étiquette tout ce qui lui avait plu dans l’après-punk, sans que tout cela relève à proprement parler de la démarche post-punk. Le Français, lui, ne se livre pas à cette petite supercherie. Les musique abordées partagent pour de bon un projet : un souci de déconstruction, une volonté d’aller au-delà du rock. Rien n’est hors-sujet, ici.

Ah, si, les Psychedelic Furs peut-être, moins expérimentaux et iconoclastes que beaucoup d’autres, ou le Gun Club, qui prônait davantage un retour aux racines du rock que son dépassement. Mais dans son avant-propos, Philippe Robert avait prévenu qu’il se permettrait de telles exceptions, accompagnant ses dires d’une citation très juste de Günter Brus contestant que l’Histoire, et a fortiori celle de l'art ou de la musique, puisse être linéaire, et donc qu’on puisse la segmenter en tendances et en genres purs et parfaits. De toute façon, on peut bien accorder à l'auteur toutes les exceptions qu'il souhaite, puisque les disques qu'il présente sont toujours, sinon des classiques, au moins de vraies curiosités ou des must-have.

Avec Robert, on adhère à chaque fois. Qu’il parle de post-punk ou d’autre chose, on a en toujours pour son compte. Qu’il se décide, la prochaine fois, à nous parler de séga mauricienne ou de chant diphonique mongol, on achètera. Tiens, à propos, la discographie à la fin du livre se termine pas ces mots : "il va sans dire que new wave et hardcore américain méritent chacun un ouvrage dédié à leur cause". Ah ben oui, tiens, un livre sur la new wave ou le hardcore... Chiche ?