Le très bon maxi Phase 3 a parfaitement rempli sa mission. Il a annoncé avec on ne peut plus d’exactitude le contenu et la nature du tout dernier album de l’irréprochable trio japonais Tha Blue Herb. L’essentiel de Life Story révèle en effet les mêmes compositions électroniques longues et hypnotiques que les deux titres du maxi. Ce sont les mêmes scratches rares et discrets, c'est le même quasi-spoken word, ce sont les mêmes thèmes rap traditionnels (ego-trip et affirmation de soi, éloge du clan et de l’amitié, défense du hip-hop originel), mais en version hallucinée, façon écriture automatique. La recette se révèle certes moins tubesque que sur Phase 3, elle est moins immédiate. Mais elle est toute aussi convaincante.

THA BLUE HERB - Life Story

Tha Blue Herb Recordings :: 2007 :: acheter cet album

Sur Life Story, l’autre amour musical du rappeur Ill-Bosstino, celui qu’il entretient avec la deep house au sein du projet Tha Herbest Moon, est plus visible que jamais. Les longues compositions (de 4 à 8 minutes) sur lesquelles il s’exprime ont le flegme, les basses rondes et imperturbables, les motifs répétitifs et le groove triste de son autre genre de prédilection. Sauf qu’ici, c’est O.N.O. qui signe les beats, épaulé par les interventions éparses de DJ Dye. Et que, comme d’autres compères japonais, le producteur est toujours l’un des plus talentueux orfèvres qui soient et qu’il se montre capable de nous offrir ces nouvelles merveilles que sont ces "Supa Stupid" et "Tenderly" à la beauté mélancolique, ou bien encore ce "Motivation" enlevé, l'ultime titre de l’album, le plus soutenu aussi, le plus efficace.

Tha Blue Herb est un groupe majeur, l’un des rares, dans le hip-hop, capable de sortir plusieurs fois de longs disques impeccables. Le trio nippon prouve une fois pour toutes sa supériorité avec cet album qui réalise l’exploit d’être original et singulier tout en respectant l’essentiel du cahier des charges rap, jusqu’à se fendre de chœurs R&B sur "Such a Good Feeling". Le secret de sa réussite, le trio l’expose en faisant part de sa vision du rap sur "The Suburbs of Hip Hop", quand, parmi des aphorismes façon "le rap est pour ceux qui savent faire face à la tristesse", il rappelle qu’il est tout autant profondément japonais que substantiellement hip-hop. Qu’il est foncièrement personnel, et qu'il est donc immanquablement bon.

Billets connexes