Au début pourtant, ça se présentait plutôt mal. Près d’une heure après le début officiel du concert, la salle demeurait désespérément vide, mis à part une dizaine de pauvres hères égarés, ici un Black assis sagement en attendant que le spectacle daigne commencer, là un jeune homme dans un beau t-shirt Institubes quelque peu hors-sujet. Déficit de promotion ? Rentrée difficile ? Notoriété trop limitée pour nos amis de Chicago ? Difficile de trouver une explication à cette désertion. Toujours est-il que cela ne se bousculait vraiment pas devant le pauvre DJ esseulé qui s’efforçait sans grand succès de faire chauffer la salle avec ses disques de Dead Prez, des Beastie Boys, de la Caution et de bien d’autres encore.

Mais il allait suffire qu’un premier rappeur pointe le bout de son nez pour que le parterre se couvre subitement d’un public suffisant. Et ce premier rappeur, ce serait Mestizo (accompagné à ses arrières par un DJ ventru, chevelu et lunetteux, le terrifiant Kip Killagain). Sorti il y a maintenant quelques années, l’imparfait mais recommandable LifeLikeMovie avait montré autrefois que Mestizo était sans doute le plus convaincant des artistes Galapagos4 de deuxième génération. L'album Blindfaith produit par Mike Gao a ensuite renforcé cette première impression. Et cette soirée parisienne a définitivement confirmé ces appréciations favorables.

QWAZAAR, MESTIZO, ROBUST, DJ KIP KILLAGAIN - Glaz'Art - 13 septembre 2007

Dès le début, il s’est inscrit dans la lignée du Project Blowed, rendant hommage à l'underground californien et s'engageant dans un a cappella à toute allure. Tout au long de son set, Mestizo est resté statique, n’esquissant de la main que des gestes mécaniques, ses yeux cachés derrière d’épaisses lunettes noires semblant scruter chaque spectateur. Mais son ancrage au sol et son immobilisme ne soulignaient que mieux la virtuosité de ses raps, ils ne les rendaient que plus hypnotiques.

La suite, malheureusement, n’allait pas être de même intensité. Robust livrait ce soir le pire de Galapagos4, le moins bon du rap de blanc banal du Midwest. Tout au long d’un show trop long où se sont succédés des titres indifférenciés entrecoupés d'insupportables "when I say truc, you say machin", il s’est montré vague, mouvant, flou, sans charisme et sans jus. Il y a bien eu une tentative de montée en puissance vers la fin, quand sur un beat trépidant il est descendu au milieu du public. Mais juste après, une ladies song sans intérêt faisait tomber une fois pour toutes le peu de fièvre qu’il avait timidement commencé à provoquer.

QWAZAAR, MESTIZO, ROBUST, DJ KIP KILLAGAIN - Glaz'Art - 13 septembre 2007

United Colors of Galapagos4. Après l’asiatique virtuose et le petit blanc casse-couille, allait venir le temps du noir démonstratif et déchaîné. Membre d'Outerlimitz et des Typical Cats, le trio qui a fait connaître Galapagos4 autour de l’an 2000, Qwazaar est un vétéran du label. Pour autant, ce n’est pas celui qui s’est le plus économisé ce soir. Formé au rap via les battles, le MC a montré qu’il tenait la scène, qu’il savait parfaitement jouer avec le public. Sur des rythmes et des sons variés, le bonhomme a bougé, il s’est agité, mais à l’inverse des mouvements erratiques d’un Robust, avec un certain sens de la chorégraphie.

Plus tard, Qwazaar poursuivait sa prestation en chaussettes au milieu du public, rappant droit devant tel ou tel, les yeux dans les yeux, en prenant d’autres par les épaules, demandant à ses collègues rappeurs restés sur scène de le prendre en photo avec les spectateurs. Pendant ce temps, les beats qui l’accompagnaient se muaient en furie techno, donnant au show un tour hypnotique. Qwazaar déployait le jeu de l’entertainer, et cela fonctionnait. Le public réagissait, il en redemandait. Et c’est presque à regret qu’il voyait les autres rappeurs le rejoindre pour un finale collectif moins soutenu, conclusion en douceur d’un concert aux deux tiers réussi.

QWAZAAR, MESTIZO, ROBUST, DJ KIP KILLAGAIN - Glaz'Art - 13 septembre 2007

Merci à Mo pour les photos.