Peanuts & Corn :: 2001 :: acheter cet album
C'est une règle quasi universelle : l’alchimie, l'entente parfaite entre un rappeur et son beatmaker est le secret des meilleurs disques de rap. Or rarement, même chez Peanuts & Corn, elle n’a aussi bien fonctionné que sur Druidry. Avec une grande retenue, Mcenroe sortait ses sons les plus calmes, les plus subtils, basses profondes, percussions pertinentes, cordes pénétrantes, saxophone ouaté, piano impressionniste, délicatesses jazzy, pour accompagner les pensées déclamées d'un phrasé clair et serein par Gruf the Druid. Certes, c’était du "rap conscient" et du quasi spoken word. Certes, le rappeur n’échappait pas au syndrome Lilian Thuram, très fréquent dans le rap, celui du type qui pontifie et qui s’improvise sage sans en avoir ni le bagage, ni les moyens. Par ailleurs, il jonglait avec des théories à fort risque de dérapage, comparant droits humains et droits des animaux, ou opposant à la théorie de l’évolution celle de la génération spontanée ("Age of Ice").
Mais The Gruf ne s'aventurait jamais au-delà de simples interrogations. Jamais il n'était définitif ni péremptoire, il ne faisait que penser à voix haute, abordant des thèmes ô combien inhabituels, même dans le petit monde du rap intello. S’inventant druide moderne et rappeur écologiste, il rappelait le tribut que les hommes doivent aux végétaux ("The Plants"), il se lançait dans des histoires de transmutations ("Awakening") qui sentaient bon le shamanisme, il s’interrogeait sur les OVNI ("Trust your Senses") et il abordait la question de la peine de mort du point de vue du condamné ("Payday"). Si Druidry comprenait peu de titres saillants, hormis peut-être le singulier et presque ambiant "Tooth and Nail", "Payday" et sa mandoline, ainsi que le somptueux "Awakening", chacun de ses raps denses et limpides dispensait un plaisir suave et durable, faisant de l'album un grand disque Peanuts & Corn, et par ce fait l’un des indispensables du rap indé.
Amusant que tu chroniques ce disque maintenant, je l'écoutais justement hier soir. Et toujours un plaisir, McEnroe effectivement subtil, et Awakening effectivement somptueux... Cet album a beaucoup de charme.