Ipecac :: 2002 :: acheter cet album

Ce n’était pourtant pas le premier album que proposait le trio formé par le beatmaker Oktopus, le DJ Still et le rappeur dälek (à écrire avec une minuscule pour différencier son nom de celui de son groupe). Sa carrière avait commencé quatre ans plus tôt avec Negro Necro Nekros, un disque bien accueilli par les critiques qui avaient eu la chance de le découvrir, ce qui lui avait valu d’être cité par le magazine Urb comme un probable next big thing et, in fine, d’être signé sur Ipecac. Mais c’est par From Filthy Tongue of Gods & Griots, sa première sortie sur le label de Mike Patton, que le groupe allait sortir pour de bon de la confidentialité.

Derrière ce nom barbare, qui ne se prononce d’ailleurs pas comme il s’écrit (il faut dire "dialect", à l’anglaise), se cachait une musique qui ne l’était pas moins. Avec ses rythmes lents et puissants, ses scratches lourds, sa puissance sonore, ses nappes opaques, son électronique roborative construite à la manière d'une mélopée terrible, Dälek inventait le rap industriel, le vrai, celui qui ferait honneur à Throbbing Gristle et aux groupes de rock les plus radicaux et expérimentaux des années 80. A l’opposé, le phrasé du rappeur sonnait quant à lui assez traditionnel, mais ses phrases insistantes, son débit monolithique, son rap parlé hostile aux pirouettes stylistiques, convenaient parfaitement à sa musique lourde et brutale.

From Filthy Tongue... imposait un style inédit. Mais il ne permettait pas encore de trancher, de savoir à coup sûr si les gens de Dälek étaient des imposteurs ou des génies. Il y avait encore trop de bruit, trop d’effets, trop de morceaux où le groupe semblait se contenter de taper le plus fort possible et de jouer du crescendo, pour pouvoir en tirer un jugement définitif. Quelques-unes des épices dont usait Oktopus (par exemple, les tablas sur "Trampled Brethren") tournaient au cliché et au déjà entendu, et quelques plats étaient indigestes, comme ce long "Black Smoke Rises", avec son ambient bruitiste et ses mots répétés comme un mantra.

Cependant, quelques autres titres montraient aussi que ces gens n’étaient pas n’importe qui, comme l’impressionnant "Spiritual Healing" d’ouverture, comme ce somptueux "Forever Close My Eyes" à l’instrumentation très rock, chant de douleur halluciné et psychédélique, comme les nappes et les percussions implacables de "Classical Homicide". Tout cela annonçait ce que prouverait Absence, ce que confirmerait Abandoned Language, ce que démontreraient aussi leurs prestations dévastatrices en concert. A savoir que ce groupe serait parfaitement essentiel.