En l’an 2000, ils étaient les chouchous de l’underground rap californien. Internet et leurs prestations live aidant, les Living Legends étaient devenus le groupe culte par excellence, et The Grouch, l’un de ses membres les plus éminents, sortait They Don’t Have This, le plus prisé de ses nombreux albums solo. De leur côté, MC Zion et le producteur Amp Live se faisaient connaître avec Mind Over Matter, autre disque remarqué à l'époque, grâce à sa fusion entre drum ’n’ bass et rap. Depuis, les trois artistes et les deux groupes ont poursuivi leur carrière à un rythme régulier, sans coup d’éclat ni plantage intégral. Ils ont proposé à boire et à manger, et ne se sont jamais écartés d’une formule rap finalement assez classique. Il fallait donc tout attendre, le pire comme le meilleur, du projet collaboratif Heroes in the City of Dope.

ZION I & THE GROUCH - Heroes in the City of Dope

Coup de chance, ce disque est à ranger parmi les bonnes choses sorties en 2006. Certes, il contient quelques morceaux en trop. Par exemple, le groove lent proposé par Eligh sur "Lift Me Up" n'est pas sa production la plus brillante. Les passages "rap conscient" habituels que l’on sentait venir à des kilomètres sont eux aussi présents. Cependant, quand les deux rappeurs s’expriment sur la drogue, sur les O.G. ou sur la vie qui est dure, Amp Live propose un recyclage bien senti du "Guns of Brixton" de The Clash ("Kickin it"), ou encore un convaincant crescendo ("Bad Lands"). Et quand, ils dédient un titre aux femmes ("Make U Fly"), le propos est joliment souligné par le chant d’Esthero. Les trois hommes n’oublient pas non plus de signer quelques graines de tube comme le sautillant "Too Much", en compagnie de Chali2na de Jurassic 5, ou encore comme le single extrait de l’album, un "Hit’em" hyphy conçu avec un spécialiste du genre, Mistah F.A.B, histoire de montrer qu’ils vivent aussi avec leur temps.

Heroes in the City of Dope convainc là où il risquait de pécher : avec les sons, grâce à la production. Sur cet album, Amp Live fait bon usage de l’électronique comme des "vrais" instruments. Son travail est supérieur à celui des deux autres beatmakers invités sur ce disque et à celui du Grouch lui-même sur "Open the Door". Ici, c’est un exercice abouti de rap sur une nappe de synthé ("The Faint of Heart"). Là, c’est l’emploi ingénieux d’une belle trompette sur "Digital Age", ou d’un violon, d’une guitare électrique et d’une autre, hawaïenne sur le "Make U Fly" déjà cité. Dans une majorité de cas, les deux compères s’expriment sur la note juste. Au bout du compte, prolonger sur tout un disque la collaboration inaugurée par les trois hommes avec le titre "Silly Puddy" sur Mind Over Matter s'est avéré être l'une des bonnes idées 2006.

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