Ca commence avec les notes rageuses d’une guitare électrique et les cris impatients de la foule. Cependant, ce n’est pas un concert de rock qui commence. Ce soir de mai 2002, à Osaka, c’est un DJ à casquette et un MC au bob vissé sur la tête qui se produisent. Ill-Bosstino et O.N.O. viennent de faire leur apparition, et déjà il est clair que Tha Blue Herb n’est pas un groupe de rap banal. Tel est d’ailleurs l’essentiel du propos de DJ Krush, le parrain et le découvreur du duo, qui témoigne peu après. Et comme pour illustrer encore mieux l’originalité du groupe de Sapporo, les propos du maître de l’abstract hip-hop sont suivis aussitôt par un nouvel extrait live où l’on entend l’étrange et excellent "Heat", habile mélange de synthétiseurs et de cordes japonaises traditionnelles concocté par O.N.O. accompagné des raps hallucinés de Boss.

THA BLUE HERB - That's the Way Hope Goes

Le film That’s the Way Hope Goes de Takahiro Morita a l’intention de présenter Tha Blue Herb. Des premières images de concert en appartement autour de 1997 à celles des grandes scènes dans les années 2000, il montre l’évolution du groupe d’un boom bap assez réglementaire, quoique excellent et en japonais, à des sons plus singuliers. Mais si les deux principaux protagonistes et leur compagnon DJ Dye reviennent longuement sur leurs origines, ce n’est pas uniquement leur histoire qui est relatée : ils y partagent aussi leur vision du hip-hop.

Le groupe témoigne ainsi sur les vertus de sa vie en province. Il explique comment l'isolement a permis la naissance d’une scène si singulière à Sapporo. "Tokyo doesn’t matter, hip-hop or house, it doesn’t matter, it’s just me, you personality in me, my personality in you and you yourself" déclame Boss dans un passage du film, au cours d’une sorte de happenning, sur les sons d’un djembé et d’un harmonica. Le rappeur explique aussi comment la sortie sur CD de sa musique lui a amené un public dépourvu de culture hip-hop et qu’il n’aurait jamais imaginé toucher. Les deux évoquent encore leur attitude envers l’underground et ses mythes.

Ces propos sont tenus dans des interviews, mais aussi dans de longues tirades live qui ont malheureusement tendance à tourner au long monologue. Mais bon, c’est du rap aussi. Et c’est bien l'unique défaut à reprocher ici au groupe comme au documentaire. Ailleurs, il y de nombreux passages musicaux qui, eux, sont excellents. A un moment, par exemple, pour mieux montrer les différentes facettes d’une même chanson, le film bascule adroitement de son enregistrement en studio à ses interprétations sur scène. Et à mi-chemin, la partie parlée s’efface même au profit d’extraits live de grande qualité, prolongée par deux bonus tracks : une chanson interprétée en studio, puis une autre avec son clip, toutes deux très bonnes.

Au cours de ces concerts, c’est sur le rappeur que la caméra s’attarde. Le public n’est présent que par de brèves images et des cris d’enthousiasme. Les musiciens sont invisibles, excepté Dye pendant "The Times They Are Changin’". Gros plan sur Boss, donc, dont le jeu de scène s'avère plus proche du rockeur qui souffre que du MC qui enflamme les foules. Le rappeur entame chaque chanson enroulé sui lui-même, il est plutôt statique, son regard est fixe. Le film invite à se concentrer sur ses paroles, lesquelles sont opportunément sous-titrées en anglais. Mais derrière, il y a aussi la musique d’O.N.O. et celle-ci est irréprochable. Ce qui fait qu'en vidéo ou en simple fond sonore, That’s the Way Hope Goes se consomme avec le même plaisir.

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