Difficile de prétendre s’intéresser au hip-hop d’Halifax sans se pencher un jour au moins sur le cas de Jesse Dangerously. Au cœur de cette scène depuis des années, collaborateur occasionnel de Josh Martinez, de Bending Mouth, de Bleubird, de Johnny Hardcore, des Restiform Bodies, des Sequestrians (ex Toolshed) et d’autres, le bonhomme est un condensé de tout ce que la capitale de la Nouvelle-Écosse a produit de meilleur et de pire en matière de rap. Chez Jesse D., gros Blanc à barbe et à lunettes, beatmaker ingénieux et rappeur marmonnant, parangon ultime d’un nerd rap assumé et revendiqué, vous trouverez en concentré l’humour potache de Josh Martinez, les divagations sur voix rauque de Buck 65 et les instrumentaux savants de Sixtoo, sans le talent de ces trois figures importantes de cette scène-là, mais en plus fantasque encore, et avec une moyenne impressionnante d’idées au mètre.

JESSE DANGEROUSLY - How to Express your Dissenting Political Viewpoint through Origami

How to Express your Dissenting Political Viewpoint through Origami, disque au titre improbable sorti en 2004, est à ce jour le meilleur point d'entrée dans l'univers du rappeur / producteur. L'homme dont le vrai nom est Jesse McDonald le présente comme "the album I was trying to make from 1997 until 2002". Et cette somme est un immense foutoir. Il y a sur ce quatrième album de Jesse Dangerously tout ce que l'on peut imaginer, et même bien plus encore.

On trouve ici de l’égo-trip ironique ("I’m the best since DJ Jazzy Jeff and The Fresh Prince", sur un "Abominated Pig-Men" qui vaut surtout pour son finale), le blues d’un gay ("A Single Gay Man on his Thirtieth Birthday") et celui d’un raté (le très bon "For Lack of Trying") rappés / chantés à la Josh Martinez, des flûtes médiévales du meilleur goût ("Damaged Senses"), des titres funky ("Trouble Brewing"), des instrumentaux printaniers ("Wicca Puffer"), mélancoliques (un joli "Spring Garden") ou inquiétants ("Radioactivated"), des interludes (le beau "In Heav’n", "Jesse Ventura" et un message de DJ Moves), des sons outrancièrement légers ou exagérément sombres, et une poignée de scratches signés Bad DJ Budget Cuts et DJ Uncle Fester. Dangerously reprend aussi du Tom Lehrer ("The Elements"), son lointain précurseur en matière de chansons satiriques et parodiques. De ce disque touffu, de ce capharnaüm de plus d’une heure, difficile de ne pas ressortir groggy ou de distinguer les bonnes idées des concepts vaseux. Le ménage fait, toutefois, il est évident que Jesse D. mérite d’être surveillé de près.

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