C’est la rencontre au sommet, la finale du grand tournoi transatlantique de rap d’internaute. D’un côté Epic, rappeur canadien quadragénaire (ou pas loin) champion de l’humour pince-sans-rire et de l’autodérision. De l’autre Nomad, rappeur au timbre d’homme-enfant issu de Cavemen Speak, la riposte belge à Anticon. En arrière-plan, Soso, producteur attitré du premier et patron du label Clothes Horse, et Maki, un autre beatmaker aperçu par le passé du côté de Nobs et de Neila. Et pour compléter le tout, une participation soutenue de Siaz, l’autre rappeur de Cavemen Speak, et de Cam the Wizzard, du label voisin Sideroad Records.

EPIC & NOMAD - Epic & Nomad

Ces gens ne se sont pas tous rencontrés, les principaux protagonistes n’ont collaboré que par Web interposé. Mais indéniablement, ils sont sur la même longueur d’onde. Leurs musiques respectives ont en commun la même délicatesse, la même fragilité, le même souci de peaufiner, la même musicalité, le même heureux détournement du rap tel que la masse l’imagine ou le connaît. Cependant, et cela gâche un peu la fête (enfin, la fête…), les deux hommes n’ont pas mis en commun leurs meilleures qualités sur cet effort partagé.

L’humour d’Epic, son point fort, en prend un coup. Par le passé, on l’a vu se moquer du hip-hop avec plus de talent que sur le solo "Days n Time (Whats Really Good)". Il y a moins de traits d’esprit sur ce disque. La teinte est plus franchement au noir, au gris et au marron, à l’image de la pochette macabre signée Thesis Sahib. La pensée du blondinet canadien semble monopolisée par sa sœur cancéreuse, à laquelle il est fait plusieurs fois référence. Pour un peu, Epic empièterait sur le registre plus sombre de son compère soso.

Et puis il y a aussi la production, et son côté forcé qui a déjà gâté les moins convaincantes des sorties Clothes Horse. Oh, pas de pathos, pas de grandes orgues. Ça n’est pas le genre de la maison. Mais à l'inverse, une sorte de pose dans le refus de la pose, un trop plein de retenue, un trop grand dépouillement, patent sur "Another Left Wing Peace Song" et sur son couple piano / violon trop larmoyant pour être honnête.

Autre réserve, cet album a aussi la joliesse appliquée qui est le gros défaut de Cavemen Speak. Même si la production est laissée à d’autres, même si les flows plaintifs et dépressifs des rappeurs sont au diapason des beats, tout comme leurs textes touche-pipi, ce néo-folk triste ne fait pas toujours mouche, comme ailleurs dans l’œuvre des gars de Courtrai.

Mais à présent, trêve de critiques. Elles ne sont ici que pour préciser que cet Epic & Nomad ne délogera pas Birthday Song et Local Only du panthéon des grandes sorties Clothes Horse, qu’il n’est pas le produit le plus abouti de ce hip-hop impressionniste, suggestif et construit par petites touches. Ces réserves ne visent en aucun cas à condamner ce disque. Il ne le mérite pas. Car en 2006, vous ne trouverez rien de semblable à l'introduction sombre de "Hot 2006 Mentality", à la non moins bonne conclusion de "Act On Stage", à l’improbable hymne transatlantique "From Canadia To Belgium With Love" et à la belle guitare de "Time Flows By".

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