Menu copieux ce mardi pour cette nouvelle soirée Hip-Hop Resistance. En l’espace de quelques heures doivent se succéder DJs de Miami, rappeurs underground californiens et vétérans de The Pharcyde sur la scène du Nouveau Casino. Le public, clairsemé au début, a finalement répondu présent, et ses envies de hip-hop puriste ont été presque pleinement satisfaites.
C’est timidement que le public se présente à l’entrée du Nouveau Casino. La file d’attente, toute menue, n’annonce en rien le succès futur de cette soirée. Comme toujours, quelques chargés de promo traînent dans les parages, mais ils sont empreints, démobilisés par le manque de mains auxquelles remettre leurs tracts. L’un d’eux finit toutefois par me trouver, et il est inattendu. Il vante le Club des Poètes, restaurant du VIIème arrondissement où l'on dîne en découvrant les créations de jeunes poètes et comédiens. La personne s’excuse du quartier très bourgeois où ce resto est installé, elle m’explique qu’elle est venue pour The Pharcyde et qu’elle envisage d’inviter des MCs au Club des Poètes. Pendant ce temps, j'écoute, et je n’ose pas franchement lui exposer ma méfiance viscérale envers tout rappeur aux velléités de poète.
Mais entrons plutôt dans le vif du sujet, c’est à dire directement dans le Nouveau Casino maintenons que ses portes sont ouvertes. Devant un public clairsemé, Induce et Manuvers de Botanica Del Jibaro ont entamé leur warm up. Rapidement, je me précipite sur le bord de la scène, pour ne plus le quitter de la soirée. C’est qu’en fait, je suis un peu venu pour eux, nos deux DJ de Miami. Même s’ils ont loin de tenir le rôle principal dans cette riche soirée, je suis curieux d’entendre le mix de ces gens issus d’une scène où les frontières entre électronique et hip-hop sont plus que poreuses, de ces représentants d’un rap hardcore presque normal, mais qui se distingue souvent par des productions et une musicalité largement au-dessus de la moyenne. Ce soir, cependant, pas de folie. Les deux DJs ont compris l’esprit de l’événement et ils livrent au poil près ce que le public attend : une belle série de bons vieux classiques rap.
Les deux DJs alternent aux platines, cools, peinards, désinvoltes. Visiblement peu concernés, il s’isolent quelquefois pour échanger quelques propos, laissant leurs disques tourner seuls. Ils sont même interrompus un petit moment par les préparations du bassiste de Tre Hardson, sans que cela ne les perturbe outre-mesure. De toutes façons, ils se sont déjà mis les spectateurs dans la poche avec leurs morceaux de Black Sheep, Cypress Hill, Common, De La et même Gorillaz, et beaucoup d’autres choses hip-hop ou funk. Puis, à mesure que la salle commence sérieusement à se garnir, les deux bonshommes passent à la vitesse supérieure et sortent l’artillerie lourde, du Public Enemy ("Fight The Power", carrément), du MOP ("Ante Up", carrément), du Wu-Tang ("C.R.E.A.M.", carrément). Et forcément, ça marche. Le public hip-hop est là dans toute sa diversité - petit nerveux aux cheveux ras, simili gangsta à bandana, grand black à casquette camouflage, sosie de 2Mex, backpacker asiatique - et il paraît content.
Puis survient l’habituel animateur des soirées Hip Hop Resistance, son maître de cérémonie, j’ai nommé DJ Fab. Et ce soir, il a beaucoup à dire. Il annonce l’arrivée d’un invité surprise et il distribue abondamment des exemplaires de son dernier mix-CD. Quatre ans de Résistance, cela s’appelle. Quatre ans, c’est précisément le temps qu’il a fallu à la vraie Résistance pour triompher et émerger au plein jour. Hip Hop Resistance prend le même chemin à en croire la dernière info de DJ Fab. Celui qui est aussi le DJ de La Caution et l’animateur de l’émission Underground Explorer sur 88.2 annonce que le prochain événement de l’association sera un festival à l’Elysée Montmartre en novembre prochains, et qu’y seront conviés ni plus ni moins que les Alkaholiks, Noreaga, DITC, Biz Markie et... Public Enemy. Exclamations d’incrédulité dans la salle. Et confirmation de DJ Fab : tout cela est bien vrai. Discussions et palabres dans la salle. C’est d’ailleurs à cette occasion, je découvre que mes voisins sont les gens du site hip-hopclassic.com, et qu’ils sont très sympathiques. Comme si le disque de DJ Fab ne suffisait pas, ils m’offrent un exemplaire de Jus’ Jeepin, un CD estampillé hip-hop classique des années 1991/94, mixé par un certain DJ Suspect que je devine être l’un d’entre eux. Merci les gars.
Mais maintenant, l’heure est venue de découvrir le mystérieux guest. Après une petite mise en jambes de DJ Lunatic, c’est Wildchild de Lootpack qui déboule comme un dingue sur la scène. Il ne restera pas bien longtemps, mais assez pour séduire le public. C’est qu’il sait la flatter, cette salle. "When I say hip hop, you say resistance !", lance-t-il. Les gens répètent, ils hochent la tête avec conviction, des doigts sont pointés en l’air et Wildchild mène son set comme un beau diable. Il sait aussi se montrer ludique. Tout à coup, il réclame l’un de ces tabourets en alu qui s’empilent au bord de la scène, il s’assied dessus, et joue à celui qui écoute la radio, à grand renfort de beatboxing. Sur cette radio imaginaire, on joue toute une série de vieilles scies, de "Rapper’s Delight" au "Scenario" d'A Tribe Called Quest, des morceaux que Wildchild entonne, escamote ou détourne avec entrain. On l’a dit, le public est hip-hop. Et bien sûr, il est ravi.
Le suivant est Omni. Je dois maintenant avouer que ce MC californien vu récemment près des Living Legends est la deuxième raison de ma présence ici, une source fiable m’ayant vanté récemment son album de l’an passé, Burgundy Brown. Sans être décevant, son show n’a cependant rien d’original. Comme celui d’avant, comme celui d’après, il déploie tout l’attirail nécessaire pour emporter un public de hiphopers finis. Très mobile, puis tendu comme un arc sur le bord de la scène, accompagné au mic par un second MC et par son DJ, Omni montre ce qu’il a dans le ventre et au-delà, il encourage le public à participer à coups de "jump, jump, jump!", de "pump up your fist!" et de "raise your hand up!". Et ce n’est pas le retour sur scène de Wildchild pour un titre en duo qui change quoi que ce soit à la formule, bien au contraire.
C'est ensuite que l'on passe dans la catégorie supérieur. Avec Fatlip, ça bouge à nouveau beaucoup, le public est toujours captivé. Mais moi je lâche prise et 24 heures après, son set m’apparaît d’autant moins marquant que je n’en ai rien retenu. Ca ne revit qu’avec l’irruption de Tre Hardson et quand les deux Pharcyde présents ce soir revisitent les plus belles années du groupe. Au grand jeu des comparaisons, Hardson l’emporte sans mal sur son compère en terme de présence. Maigre comme un clou, il bouge et se contorsionne, il livre la danse très élastique qui va bien avec ses dreadlocks et il concentre tous les regards sur sa personne.
Bientôt vient son tour, à lui seul. Enfin non, pas tout à fait, ce n’est pas un show solo. Hardson fait monter sur scène un vrai groupe, une chanteuse, un bassiste, un batteur aux très longues dreadlocks. Le public, un peu coupé dans son élan, ne sait plus trop comment accueillir cette musique qui tire largement autant vers le funk que vers le hip-hop. Il devient plus posé, plus statique, reste dans l’expectative, ce qui contraste avec l’agitation qui règne sur scène, Hardson et sa chanteuse ne cessant de danser. Mais le rappeur connaît son affaire, il connaît les stimuli, poings en l’air et slogans rageurs, qui font se mouvoir un public de hiphopers. Et il va jusqu'à inviter deux filles dans le public à le rejoindre sur scène. Elles seront trois finalement, et elles joueront le jeu, la plus timide bougeant gentiment du popotin, une autre se lâchant davantage.
Dans l’ensemble, ça fonctionne. Ca fonctionne en tous cas bien mieux que le set de Fatlip. Le live hip-hop, y a pas à dire, c’est fait pour le live, comme aurait dit La Palice s’il avait connu le rap. Une basse qui pète, une batterie qui assure, une petite chanteuse sexy et un rappeur monté sur ressorts, ça marche. Cependant, n’ayant pas entendu l’album Liberation, j’ai beaucoup plus de doute sur ce que peut donner cette musique une fois enregistrée. Sans doute un brouet adult rap, mais j’espère me tromper. En tous cas, pour moi, la soirée touche à sa fin. Le dernier métro m’appelle, et je m’échappe sur ce qui ressemble très fortement aux premières notes de "Runnin". Je sors sur une impression mitigée. Incontestablement, c’était une soirée réussie. Mais c’était aussi une soirée sans risque. Malgré les trouvailles et la bonne humeur des MCs, elle n’a connu aucun miracle, aucun moment d’extase. Ca n’était rien d’autre que le show hip-hop classique. Tout ce qu’il fallait pour les fans présents ici, pour tous ces gens hip-hop jusqu'à la moelle, avec tous les avantages et tous les inconvénients du purisme.
1 De bigdav -
wouah!!! bien dit! C' est claire que pour des puristes, il est difficile d'imaginer que cette soirée soit moyenne, pour ma part excellente, il est parfois difficile d accrocher sur toute la programation, ce qui peut te sembler long, c vrai!
En tous cas un grand big up à toi pour cette analyse, et un hello de Kriss mon poto qui t'a offert la mixtape de DJ Suspect que l'on promeut.
a bientot et merci
bigdav et rdv sur www.hip-hopclassic.com
2 De bigdav -
ps: dj suspect n'etait pas l'un d'entre nous ce soir-là ! toujours trop occupé a dorloter ses vynils hihihi !!! D' ailleurs son site est aussi intéressant www.djsuspect.com/
a+ à bientot
bigdav www.hip-hopclassic.com/ne...
3 De Mo -
Je n'y étais pas mais j'ai entendu parler de l'événement du mois de novembre qui me parait assez surréaliste ! En tout cas cette fois j'y serai !
4 De bigdav -
Malheureusement je serai en vacances !!!
Public Enemy me ferait presque annuler ma petite semaine en Turquie.
Si quelqu'un prend des photos, je suis preneur !!!
www.hip-hopclassic.com/ne...
a+
bigdav
5 De bigdav -
PHOTOS du CONCERT DISPO
sur www.hip-hopclassic.com
a bientot
bigdav
6 De bigdav -
www.hip-hopclassic.com/ne...
et voila !!!!