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NICK CAVE & THE BAD SEEDS - Let Love In

Albums folk rock metal

NICK CAVE & THE BAD SEEDS - Let Love In

En 1994, pour son huitième album avec les Bad Seeds, Nick Cave laisse entrer l'amour. Quatre morceaux en portent le nom, et presque tous les autres en parlent. Mais avec le ténébreux Australien, le noble sentiment est avant tout une source de souffrance. Il est tyrannique, monstrueux et funeste, comme le laisse entendre "Do You Love Me?", le magistral titre d'ouverture. Il est lié à la tromperie et au désespoir, d'après "I Let Love In". Au bout du compte, l'amour se confond avec le diable. La pochette le suggère, avec sa photo rouge qu'on jurerait prise dans les flammes de l'enfer.

NICK CAVE & THE BAD SEEDS - Let Love In

Tourmentée, la musique contribue elle aussi à cette ambiance diabolique. L'ancien Birthday Party, en effet, retrouve sa furie d'ancien punk sur le passablement déglingué et le très rock'n'roll "Jangling Jack", sur ce "Thirsty Dog" où il s'affiche en amant mauvais et pathétique, tout comme sur ce possédé "Loverman" où, accompagné des murmures du démon, il incarne un agresseur sexuel, un morceau si brutal et si abrasif que Metallica se fera un plaisir de le reprendre.

Le Malin hante chaque titre de cet album, y compris celui qui en est le centre, le plus singulier, ce "Red Right Hand" sépulcral avec ses cloches de fin du monde et son orgue dégoulinant qui sent fort l'air suintant et suffocant du bayou, trahissant une fois encore l'obsession de l'Australien pour le Sud des Etats-Unis. Ce morceau à propos d'un être mystérieux, séducteur et malfaisant, est devenu l'un de ses plus emblématiques. Il sera souvent interprété dans ses concerts, employé en bande-son dans de nombreux films (Scream, Peaky Blinders, etc.) ou documentaires pour en accentuer la noirceur, et repris par maintes gens, y compris, ô surprise, par Snoop Dogg, un autre grand pécheur devant l'éternel.

Même quand Nico La Grotte passe en mode ballade sur le faussement doux "Nobody's Baby Now" (un titre originellement destiné à Johnny Cash, paraît-il), c'est pour parler acrimonieusement d'une rupture. Quand il se lamente à propos d'un autre amour perdu sur le délicat "Ain't Gonna Rain Anymore", il le voit comme un violent orage, plutôt qu'un soleil apaisant. Et quand il clôt l'album par un second "Do You Love Me?", c'est pour parler du désarroi et des interrogations d'un enfant agressé par un pédophile. Ouch. On vous l'a dit, avec Nick Cave, l'amour c'est vraiment l'enfer.

Très solidement produit, composé de dix titres parfaitement exécutés par les Bad Seeds et interprétés par un Nick Cave plus que jamais théâtral, intense et ardent, mu par le dégoût de soi et imbibé de références religieuses, marquant aussi le début de sa collaboration avec le violoniste de Dirty Three Warren Ellis, Let Love In est l'une des meilleures pièces d'une discographie de folie, l'une des plus dingues du rock.

Avec lui, l'Australien ne fait pas entrer que l'amour, mais aussi le succès, cet album devenant son mieux vendu, juste avant que le prochain ne le dépasse. Ah, et puis à l'époque, pendant la tournée de promotion de Let Love In, j'ai eu le bonheur de voir l'Australien se donner sur la scène de l'Olympia. Et j'ai pu constater que, tout comme sur l'album, plongé dans les affres brûlantes de l'amour, il était en feu.

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