Avec sa pochette aux allures de polycopié, sa musique perturbante et ses paroles de psychopathe insensible, Anyways…, le premier album officiel de Young Nudy, n'avait précisément pas grand-chose d'un album. La voie choisie n'était pas la plus accueillante, et son après-trap bancale n'avait elle non plus rien de chatoyant. Et sur le deuxième, sorti en mai dernier, rien ne s'est arrangé. Le rappeur d'Atlanta, en effet, prend sur DR. EV4L un malin plaisir à forcer la dose, quitte à verser dans une ambiance de film d'horreur. Cette posture toujours plus sombre est annoncée par son nom, Docteur Mal. Elle l'est aussi par la pochette, qui comme les mixtapes de la série SlimeBall, celles de la révélation, présente le rappeur sous les traits de Chucky, la poupée possédée par un tueur en série. Et en plus de celle-ci, ce sont les figures de Michael Myers et de Jason Voorhees qui sont convoquées sur le titre "Child's Play".

YOUNG NUDY - DR. EV4L

Comme toujours, ses propos traitent des thèmes habituels en territoire trap, ceux de la drogue et des filles, mais avec des envies de meurtre et la froideur d'un assassin. De manière distante, presque anesthésiée, en chantonnant parfois, Young Nudy dit qu'il est temps de refroidir les "niggas" qu'il tient à sa merci ("Yellow Tape"), qu'il va tirer sur un autre jusqu'à ce qu'il arrête de respirer ("Soul Keeper"), qu'il a laissé plus de corps derrière lui que quiconque ("DR. EV4L") et qu'il répand sur le trottoir la cervelle de ses ennemis ("Colombian Necktie"). Sur le conclusif "Walking Dead", Young Nudy demande à ses auditeurs combien d'hommes morts ils ont déjà vus, laissant entendre que, pour lui, c'est la routine. Et quand il ne tue pas ses adversaires, il baise leurs femmes, narquois, en les abreuvant d'argent et de cocaïne ("The Rustlers").

Avec l'appui quasi-exclusif du producteur Coupe, Young Nudy déploie sa voix bizarre et étranglée sur une trap music cuisinée à la sauce horrorcore avec un tempo lent et des sons atmosphériques. Il en résulte une œuvre de qualité homogène. Les morceaux ayant été clippés, "Mini Me", "Child's Play", avec le cousin 21 Savage, et le très bon "2Face", avec G Herbo, ne sont même pas les plus saillants. D'autres encore se remarquent, comme "Roughneck", où Nudy nous invite dans la pharmacie de sa trap house, ce "The Rustlers" servi par un son minimaliste et admirable de Bavier on the Beat, ou le susnommé "Colombian Necktie", avec ses strophes particulièrement corsées sur la violence et le sexe. Ce deuxième album officiel, donc, est digne du premier. Et le mieux dans tout ça, c'est que le rappeur a rempilé quelques mois plus tard avec un troisième tout aussi réussi, Rich Shooter. En 2021, au centre d'une ville, Atlanta, qui a perdu de sa vivacité, a donc palpité encore une fois le cœur glacé de Young Nudy.

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