Depuis toujours, sans doute parce que cet Etat est un lieu de danse et de fête, les musiques électroniques se sont installées dans le rap de Floride. Il y a plus de trente ans, déjà, la Miami bass a prolongé une ère électro rap révolue depuis longtemps à New York. Une décennie plus tard, c'est la jook music qui a pris le relais, avec notamment le tube de Khia "My Neck, My Back". Et l'on a entendu les mêmes sons festifs et endiablés chez les stars du cru Trick Daddy et Trina.

THEY HATE CHANGE - Finally, New

Même dans l'underground, du côté des Latinos très engagés de Botanica del Jibaro, chez ces gens à l'extrême opposé du carnaval bootie bass, on a entendu les sonorités d'une electronica certes plus cérébrale. Et aujourd'hui encore, issu de Tampa, la ville de la jook, après un détour de quelques temps par New-York, sévit donc le duo They Hate Change.

Vonne Parks et Andre Gainey s'inspirent manifestement de ces sonorités. Ils ont joué aux DJs dans des festivals house music et ne se sont mis aux raps qu'après coup. Vonne se veut un représentant de cette culture queer qui se manifeste plus aisément dans ce milieu-là que dans celui du hip-hop. Et on entend sur leur dernier album des beats issus de toute l'histoire des musiques électroniques, y compris ceux venus d'Angleterre, telle cette drum'n'bass égrenée ci et là, et qui ouvre le meilleur titre de leur dernier album, "X-Ray Spex".

Il y a un tropisme britannique très marqué, en effet, chez ces deux-là, un attachement pour l'Angleterre qui s'étend jusqu'à la pop sophistiquée de Style Council, de Sade et de Prefab Sprout, voire au punk rock des excellents X-Ray Spex, comme l'indique le morceau homonyme susmentionné.

Ceux dont les compagnons de labels sont Bon Iver, Angel Olsen et Sharon Van Etten vont à l'encontre des routines du hip-hop. Ils critiquent le rappeur tape-à-l'œil ordinaire sur "Blatant Localism", ils se proclament fauchés mais indépendants sur "1000 Horses", et il y a de l'autocritique sur "Some Days I Hate My Voice". Ici, ils parlent de Black Flag. Là, ils citent Public Image Ltd. Et comme nos Anglais post-punk et post-modernes, ils mélangent les styles et les époques.

Sur Finally, New, on entend les rythmes de la trap music, d'autres (on l'a dit) drum'n'bass, voire pas de rythmes du tout au cours de phases ambient. Il y a les boucles carrées du boom bap mais aussi celles, hypnotiques, de la house, ou encore les expériences de l'IDM. Ils rappent mais ils se taisent aussi, comme sur le quasi instrumental "Reversible Keys". Le duo aime aussi les changements, les ruptures, les sons peu attendus à des moments qui le sont encore moins.

Bien sûr, avec un tel profil, avec une telle ouverture d'esprit, avec un tel œcuménisme musical, la critique adore They Hate Change. Surtout celle qui, en temps normal, se préoccupe assez peu du rap. Et elle n'a pas tout à fait tort.

Finally, New a des instants que certains qualifieront de cheulou. Mais il y en a de grands aussi, comme le sompteux "Little Brother", ou un autre épisode drum'n'bass, le single "From the Floor", qui conclut l'album. Et puis, conçu comme ce dernier avec l'appui de Nick León (le producteur de Miami qui a travaillé avec Denzel Curry, les Underachievers, et qu'on a aperçu sur le label de Daddy Kev), il y a donc le tube "X-Ray Spex", un diss track à l'encontre des gros durs, leur hymne de nerds assumés, en quelque sorte.

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Comme dit plus haut, la critique aime They Hate Change. Il est donc facile de se documenter :