Jamais vous ne verrez Adventure estimé pour ce qu'il est, toute chose égale par ailleurs. Tout jugement le concernant s'opère inéluctablement en comparaison avec son prédécesseur, Marquee Moon. La raison en est claire : dès sa sortie, malgré un timide succès commercial, le premier album de Television a été considéré à très juste titre comme un immense chef d'œuvre. La seconde, c'est qu'il n'y aura rien d'autre auquel le mesurer, le groupe de Tom Verlaine et de Richard Lloyd ne sortant plus rien en commun avant leur reformation dans les années 90. La pochette même invite à comparer ce disque au précédent, étant très similaire, tous les membres du groupe y posant encore, pas spécialement souriant, dans un encadré monochrome. Toutefois les différences (la posture moins uniforme des quatre hommes, un rouge éclatant plutôt qu'un noir sinistre) indiquent que cet album est distinct du précédent.
Le titre l'annonce : ici, le groupe devient plus aventureux. Ou tout du moins, il se fait plus éclectique. Si les arpèges de guitare qui dominaient Marquee Moon sont toujours là, dès le premier titre, "Glory", si le groupe aime toujours commencer par un riff simple pour mieux divaguer ensuite, si l'on entend encore ces savants dialogues entre les instruments de Verlaine et de Lloyd, d'autres se font une place, notamment l'orgue et le piano sur "Carried Away". Les sons sont plus variés, moins attendus, comme avec l'intro aux faux airs de thérémine de "The Fire". Par ailleurs, il y a moins de cohérence entre les morceaux, dont plusieurs ont été écartés (comme celui qui intitule l'album, réapparu plus tard au profit d'une réédition CD), au terme d'un processus de sélection qui témoigne des divergences croissantes entre Verlaine et Lloyd.
La plupart des titres sont moins tendus qu'avant, ils sont plus apaisés. L'atmosphère, souvent, est plus onirique que cauchemardesque, comme avec le quasi-instrumental du magnifique et du final "The Dream's Dream". Même si l'élégance et la poésie sont toujours présentes (on ne se fait pas appeler Verlaine sans raison), la nervosité et la tension dramatique propres à l'album précédent se sont quelque peu effacées. Le cas d'école, c'est le joli "Days", parfois décrit comme une transition entre les Byrds et REM, ou bien encore la ballade "Carried Away", Quant à "Careful", il s'agit d'un gentil titre pop sur le plaisir de paresser auprès de l'être aimé.
Cependant, d'autres titres sont plus franchement rock'n'roll, comme "Foxhole", un morceau antimilitariste, et le très bon "Ain't That Nothin'", avec son riff et son refrain très stoniens, un titre dont les paroles laissent transparaitre la montée des tensions dans le groupe. Au bout du compte, il n'y a guère que le mélancolique "The Fire", avec son superbe solo final, qui renoue pour de bon avec les entrelacs de guitare agités de l'œuvre précédente, et qui rappelle véritablement la musique divine et élégiaque offerte par Marquee Moon, sur cet album qui est autre chose, sur ce disque qui n'est qu'un classique du rock, alors que l'autre en est le pinacle.
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