Il y a eu deux étapes dans l'ascension de Payroll Giovanni. D'abord, la période avec Young Jeezy, celle qui a permis au Doughboyz Cashout de devenir visible au-dehors de Detroit (et par ricochet, de mieux faire connaître toute la scène de leur ville), et au leader de facto du groupe de sortir l'excellent solo Stack Season. Puis est venue l'association avec Def Jam, et au même moment celle du rappeur avec le producteur Cardo sur des sorties qui, avec des sons plus mélodiques dans la tradition du g-funk, rappelaient la connexion forte entre la musique du Michigan et celle de Californie. Depuis, celui qui fait désormais figure de vétéran de la meilleure scène rap d'Amérique navigue entre ces deux registres. Mais comme on a déjà eu l'occasion de le dire, ce n'est pas le Payroll Giovanni de Cardo que l'on veut. Celui que l'on préfère, c'est celui qui incarne le son même de Detroit. C'est celui, fier, qui s'exprime sur des sons nerveux.
Ses meilleures sorties font partie de ce répertoire, et No Validation Necessary, apparu en cette année 2019 qui pourrait bien avoir été l'apogée du rap de Detroit, en fait partie. Ce court album commence de manière tonitruante par un ego-trip, "My Life", fait du meilleur rap de m'as-tu-vu. Et après il ne ralentit plus le rythme. Pour nous faire savoir qu'il est devenu un gros poisson, Payroll Giovanni dégaine des synthétiseurs glaçants ("Nothing 2 Something", "History of Scales in the Kitchen", "Hobby") et des pianos impitoyables (le très efficace "Kits"). Et il limite les passages de R&B mous-du-genou à "Cut Like Me" et aux soupirs féminins de Tamara Jewel sur "Get Yo Paper" et "My Enemies Girlfriend", surjoués comme le veut souvent la loi du genre.
L'objectif de Payroll Giovanni dans le rap, c'est de montrer que le terme désuet de "bling-bling" est toujours d'actualité. Aussi célèbre-t-il sa réussite. Il parle de grosses bagnoles, de grosses chaînes et de grosses liasses de billet gagnées à la sueur de son front et de son poignet. Il se présente en voyou si redoutable qu'il donne envie à ses rivaux de rentrer dans le rang. Il montre sa rudesse quand, au terme du storytelling de "My Enemies Girlfriend", après que la copine de son ennemi ait proposé de lui tendre un piège pour le tuer, c'est les deux qu'il abat.
Cependant à toutes ces fantaisies, le rappeur intègre des éléments biographiques. Le cas d'école, c'est "History of Scales in the Kitchen", qui raconte de manière échevelée l'histoire entremêlée de rap, de flic et de délinquance de "Scales in the Kitchen", le morceau qui a lancé les Doughboyz Cashout. Sur cet album qu'il conjugue à la première personne, le rappeur multiplie les témoignages sur son parcours. Il le fait sur "My Life", bien entendu, mais aussi sur le plat de résistance de cette sortie qu'est l'excellent "Validation", un titre où il affirme s'être fait tout seul. No Validation Necessary, donc, prétend Payroll Giovanni. Les faits suffisent, il n'a besoin de l'assentiment de personne. Mais qu'importe : nous, nous validons quand même.
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