Lil' Rue est l'un de ces rappeurs, nombreux autour de la Baie de San Francisco, à ne jamais avoir vraiment franchi les frontières de cette scène grouillante et trépidante. Sa carrière est déjà ancienne, pourtant. Elle remonte à la fin des années 2000, quand il a rejoint le label d'Oakland Livewire Records, celui fondé par J. Stalin et Shady Nate, et qui abrite aussi Philthy Rich, Stevie Joe et The Mekanix. Lil' Rue, plus particulièrement, est associé à certains de ses membres tels que Lil' Blood, avec lequel il a délivré des albums communs comme Shottas, dès 2009, ou bien encore HD, membre avec lui et Henn Sippa du trio Bearfaced. On l'a vu collaborer aussi avec The Jacka, Joe Blow, ou plus récemment avec Mozzy. Et en 2011, comme tout rappeur important de l'endroit, il a eu droit à son édition du Tonite Show de DJ Fresh.

LIL' RUE - Pure Mob 2

Dix ans après, Lil' Rue est toujours actif. Il est même plus pertinent que jamais, comme l'a montré début 2021 cette suite offerte à Pure Mob, un album sorti en 2012. Cette autre édition nous apporte ce que son titre nous promet : de la musique qui assume pleinement tout l'héritage de la Baie, de la mob music à la hyphy et au-delà encore, plusieurs déclinaisons de gangsta rap et une bonne dose de misogynie, avec aussi une forte présence de tous les héros de cette scène et de son extension de Sacramento, des figures historiques telles que Spice 1, présent sur deux titres, le regretté The Jacka, ou encore Mozzy. Lil' Rue poursuit cette longue tradition, comme quand il intitule l'un des meilleurs morceaux de l'album, "Getto Report Card", avec Shadie Nate et Stevie Joe, d'après l'un des albums les plus emblématiques d'E-40.

Le rappeur nous apporte tout ce dont on est coutumier dans la Bay Area : un hymne pour les gangsters et pour les vrais "niggas" avec "Niggaz Ain't Mobbin", un long posse cut aussi languide que menaçant sur "One Mob Part 2", un second mélodique et désespéré, "All I do Remix", avec Joe Blow, Ampichino, The Jacka et d'autres encore. Il nous propose une musique souple et funky comme dans les années 90 sur "They Ain't Fucking with Us", avec Mozzy et Big Tone, et sur "Play the Game Better", avec Spice 1 et Mac Reese. Il y a aussi des chroniques de quartier agrémentées de chants R&B, ceux de Davina Joy sur "Everyday Life" ou ceux de Joseph Kay sur "Riding Through the City" et des synthés vrombissant sur "Mob Shit". Lil' Rue nous offre un album qui va bien au-delà de son époque et de sa seule personne, une œuvre à la fois composite, générique et imparfaite, mais toujours constituée de "pure mob", en effet.

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