C'est une technique promotionnelle désormais rodée : demander à deux valeurs montantes du rap de sortir un album en commun. Cette stratégie aboutit parfois à des projets artificiels et bringuebalants, à des empilages de titres qui ressemblent davantage à des compilations qu'à des albums bien ficelés. Mais cela permet d'exposer l'un à la fanbase émergente de l'autre, et cela dédouble donc le nombre d'écoutes et la visibilité sur les plateformes de streaming.

42 DUGG & EST GEE - Last Ones Left

Et parfois même, cela donne lieu à des projets réussis, voire très affriolants. Un bon exemple pourrait être le Young and Reckless sorti il y a quelques années par OMB Peezy et Sherwood Marty. Et un autre se présente aujourd'hui avec cette entreprise commune de 42 Dugg et d'EST Gee.

Les deux hommes ne proviennent pas de la même ville. 42 Dugg est issu de la scène trépidante de Detroit, tandis qu'EST Gee vient de Louisville. Mais ils ont de gros points communs. D'abord, ils sont tous les deux en pleine ascension, l'un grâce aux deux mixtapes de la série Young and Turnt, l'autre après le succès l'an passé de Bigger Than Life or Death. Aussi, en ce qui concerne les thèmes, le rap de voyou patenté qu'ils pratiquent est peu ou prou le même, il est celui qui descend en droite ligne de Boosie, comme EST Gee le sous-entend quand il cite le titre "Wipe Me Down".

Enfin, et surtout (et c'est là la raison principale de cette alliance), ils appartiennent tous deux au label de Yo Gotti, CMG. L'un et l'autre sont des poulains de cette écurie de plus en plus fournie, puisqu'elle compte également Moneybagg Yo, Blac Youngsta, Blocboy JB et depuis peu Mozzy.

Et donc, la coalition entre ces deux hommes en forme fonctionne, malgré des titres disparates. Certains comme "Who Hotter Than Gee" sont des solos, d'autres, "Whole Gang Buss" pour 42 Dugg, "Free Zoski" pour EST Gee, voient débouler tout un tas de proches, tandis que "Of Course" et "Never Scared" sont des duos de chaque rappeur avec un acolyte, Tae Money pour l'un, EST DeMike pour l'autre.

Quelques producteurs du Michigan y mettent leurs pattes, Helluva par exemple, avec le piano tendu et si caractéristique de "Ice Talk", alors que d'autres privilégient des ambiances plus atmosphériques, comme sur "Free the Shiners", et qu'un vieux son de Plies, celui de "Who Hotter Than Me", est remanié sur le morceau presque homonyme.

C'est éclectique, c'est un joli foutoir, et tous les titres ne se valent pas. Cependant, l'alternance entre la voix exaltée de 42 Dugg et celle, râpeuse, d'EST Gee, fait des merveilles sur des morceaux tels que "Thump Shit", la conclusion haletante de "Gave It Back", cette autre contribution aux petits oignons de Helluva qu'est "My Yungin", cet "Everybody Shooters Too" minimaliste produit par Enrgy Beats, voire sur la séquence émotion de "I Never Judged You".

Et c'est aussi très bien quand, sur "Can’t Be Fucked With", le premier des deux rappeurs s'exprime seul sur une musique dans le plus pur style de Detroit. Tout cela n'est qu'un entracte, un en-cas, un objet marketing. Et pourtant, ce n'est pas ce que les deux hommes ont sorti de plus dégueulasse.

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