A Baton Rouge, tout en haut, il y a la trinité Boosie Badazz, Kevin Gates et YoungBoy NBA, trois rappeurs qui, en partie, ont su se construire une impressionnante base de fans en jouant de la corde sensible, en se présentant comme des délinquants mélancoliques. Mais quand on descend, quand on se focalise sur la base de cette scène rap riche et abondante, ce ne sont plus vraiment les gangsters tristes que l'on retrouve. Au contraire, ce sont les joyeux, ce sont les extatiques, ce sont les adeptes du sous-genre local de rap, la jigg, dont un article précieux du magazine Musique Journal rendait compte il y a quelques jours, un style représenté par des gens tels que l'excellent WNC Whop Bezzy, déjà mentionné ici, ou bien encore par Level.

LEVEL - Jigga City Trigga City

A moins d'habiter l'endroit, on ne saura pas grand-chose sur ce dernier, sinon qu'il a sorti une palanquée de projets pendant toute la décennie passée, qu'il a collaboré avec à peu près tous les acteurs de cette scène, Boosie, Kevin Gates, Foxx, Max Minelli, Lil Cali, Spitta, Mista Cain, Whop Bezzy, BBE AJ, HD4President, et surtout Mouse on tha Track, avec lequel il a délivré un projet commun en 2015, I Bet U Won't. Cette dernière association faisait sens, tant Level incarne la musique festive et explosive représentée par le producteur le plus emblématique de la ville. Cela se constate sur toutes ses sorties, et notamment sur celle-ci, dont l'intitulé, une double référence aux armes et à la danse, résume tout l'esprit du rap de Baton Rouge.

Dès les chants de brutes augmentés de cloches et de sirènes de "Trigga City", le premier titre, d'emblée un tube, Level déploie une musique rapide et bondissante, faite de refrains répétitifs et entêtants, de rythmes implacables souvent doublés d'onomatopées, de synthétiseurs qui s'emploient à recréer à qui mieux mieux le tintamarre du carnaval, et même parfois, parce que ça rend le tout encore plus efficace, de bon vieux scratches endiablés. Pour mener son entreprise à bien, Level s'accompagne souvent de gens encore plus obscurs que lui (les seuls l'étant moins sont Spitta et ce bon vieux Foxx), parfois pour le meilleur effet, comme avec Racked Up Ready et Madd Marvin sur le très bon "Solo Dolo". Et avec la fierté indiscutable de représenter leur ville, avec quelques tubes mineurs comme l'ode à l'argent de "Rule #1" ou la rengaine finale de "U Scared", cette bande jouisseuse et tapageuse nous transporte au cœur d'une boîte de nuit malfamée remplie de thugs, de drogues et de filles faciles, soit à l'endroit pile où prolifèrent et s'épanouissent depuis toujours les meilleures musiques du monde.

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PS : l'article du magazine Musique Journal cité plus haut est consultable à ce lien.

PPS : et bien sûr, un grand merci à Héra, qui, en un jour morne de 2020, alors que le tout venant rap nous ennuyait royalement, nous a orientés vers cette sortie réjouissante.