Mine de rien, ce type s'est vu décerner un Oscar. Juicy J et DJ Paul, en effet, n'étaient pas seuls quand ils ont reçu la prestigieuse récompense pour la B.O. de Hustle & Flow. Frayser Boy lui aussi, avait participé au titre "It's Hard out Here for a Pimp", et il s'était fait remettre la fameuse statuette. Mais depuis, il est redevenu ce qu'il était : une figure du rap de Memphis, peu visible à l'échelle nationale. Son ancrage local, Cedric Coleman l'a de toute façon toujours revendiqué, par son pseudonyme (Frayser est un quartier de la ville du Tennessee), à travers ses fréquentes références à la Bay Area (le surnom des faubourgs malfamés dont il provient), mais aussi, plus remarquable, par sa participation en 2014 au film documentaire Take Me to The River, un vaste hommage à toutes les musiques de sa ville (blues, country, soul, rock et rap), où intervenaient aussi Yo Gotti, Al Kapone et ce bon vieux Snoop Dogg, au côté de légendes de Stax Records.

FRAYSER BOY - Bay Day EP

Frayser Boy, par ailleurs, n'a jamais cessé de faire de la musique. Après s'être éloigné de Juicy J et de DJ Paul, et avoir quitté Hypnotize Minds, il s'est retrouvé pris en charge par un autre rappeur éminent de Memphis, Lil Wyte. Ensemble, ils ont sorti il y a quelques années l'album commun qu'ils avaient longtemps promis, un très bon B.A.R. (Bay Area Representatives). Et cette année encore, avec sa voix pleine d'autorité, le rappeur excelle avec ce court Bay Day EP, ouvert de façon tonitruante par "That", un titre où il fait part de manière sobre et percutante de son insatiable soif d'argent, et clos de manière aussi baroque par le lourd "Me and My Pen".

On sait que le format EP est souvent le meilleur, qu'il condense sur un temps optimal tout ce que l'interprète a à dire. Frayser Boy le confirme ici, avec six titres sans chichi ni gâchis, qui déclinent les rythmes de la trap music, ses synthés scintillants comme sur l'acrimonieux "Sick", avec Kurupt, mais en leur adjoignant l'ambiance horrifique, le nihilisme jeanfoutre et les refrains répétitifs et obsédants caractéristiques de Memphis, comme sur "Up", où le rappeur expose son quotidien de hustler. Il y a des gens que la gloire passagère ne changeront pas. Il y en a qui, comme Frayser Boy le confirme sur la guitare de "Hate It", resteront fidèles et dévoués à leur art ("loyal to the game, you can say I'm committed"). Et cela est pour le mieux.

Acheter cet album