Un an après avoir cherché à nous motiver, Young Jeezy cherche cette fois à nous inspirer, à l'occasion de son second album officiel. La nuance peut paraître subtile, et de fait, ce nouveau projet chez Def Jam ressemble beaucoup au précédent. Puisqu'il s'agit d'un blockbuster venu confirmer le succès de l'année précédente, quelques grands noms viennent se joindre à la nouvelle figure d'Atlanta, comme Timbaland, Cool & Dre et, côté R&B, R. Kelly et Keyshia Cole. Mais pour l'essentiel, c'est toujours la même équipe à la production, Shawty Redd en premier lieu, mais aussi Midnight Black, J.U.S.T.I.C.E. League, Don Cannon, Mr. Collipark, Drumma Boy... C'est aussi toujours la même musique, celle d'un vieux prédicateur sudiste qui, plutôt que prêcher la bonne parole, se serait mis en tête de libérer les hommes par le trafic de drogue.

YOUNG JEEZY - Thug Motivation 102: The Inspiration

Il n'y a qu'à écouter le refrain de la première piste de The Inspiration, "Hypnotize", pour le réaliser. Se présentant comme un professeur d'un type très particulier, s'exprimant sur les synthétiseurs vibrionnant de circonstance, il y clame : "now I command you niggas to get money". "Maintenant les négros, je vous ordonne de faire de l'argent". Il y dit aussi "Jeezy said", comme d'autres auraient dit "Jesus said", jouant sur la proximité sonore entre son nom et celui du Christ, avant de chanter gaillardement sa propre gloire. Et tout cela est décliné au travers d'une succession incessante de punchlines, comme quand, sur "Streets on Lock", il accuse son grand rival Gucci Mane d'être gay parce qu'il a pris pour nom la marque d'un sac à main…

De sa voix éraillée, avec ses interjections habituelles, Jeezy nous vante toujours une vie organisée en deux moments : le deal le jour, le club la nuit ("Go Getta"). Quant aux synthés de Shawty Redd et des autres, ils sont toujours les mêmes, scintillants, flamboyants, rutilants, avec un systématisme qui vire à la formule. Et quand ils ne suffisent pas, Drumma Boy y ajoute une guitare rock toute baveuse ("I'm the Realest"), DJ Toomp en fait autant ("I Got Money") et Mr. Collipark joue d'une trompette pimpante ("What You Talkin’ Bout"), histoire d'accentuer le propos. C'est soutenu, avec parfois une tournure frénétique et hypnotique qui annonce l'époque à venir de Waka Flocka Flame, comme avec l'égo-trip virevoltant de “J.E.E.Z.Y.”.

Et pourtant, tout cet éclat, tous ces morceaux qui brillent comme des lingots d'or massif, tous ces titres qui scintillent à la manière de montres hors de prix, sont ternis parfois par des moments plus glauques et pessimistes. On entrevoit la face noire du trafic de crack sur le cruel "Dreamnin'", où Young Jeezy met en regard sa profession de dealer et l'addiction de sa mère. Et la mort violente est au coin de la rue d'après "Bury me a G", un titre où il est question de mourir avec autant de classe qu'on a vécu. Même l'enthousiaste "I Luv It" comporte une ligne sur le mauvais sort, morts ou en prison, réservé aux hommes noirs à travers le monde.

The Inspiration n'en est pas moins, en majeure partie, un calque de l'album précédent. Il en est une version dégradée. Il recèle des morceaux entrainants comme les singles "I Luv It" et "Go Getta", des hymnes hauts en couleur comme "I Got Money", avec T.I., et d'autres très grands moments comme ce "Bury me a G" magnifié par un sample de Millie Jackson. Tous ces épisodes, ainsi que quelques autres, suffisent à en faire un très bon album, et à justifier qu'il ait été numéro 1 des ventes la semaine de sa sortie. Même si son prédécesseur, lui, à deux doigts de la perfection malgré ses quelques longueurs, n'a quasiment que des titres de cet acabit.

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