La décennie 2010 n'aurait su s'achever sans l'un de ceux qui l'ont survolée. Aussi, le 12 décembre, Roc Marciano a-t-il ajouté une autre pièce à cette discographie impressionnante inaugurée dix ans plus tôt par ce survivant méconnu du Flipmode Squad, avec le grand Marcberg. Une discographie sans laquelle il est difficile d'imaginer Ka, Billy Woods, Crimeapple, Hus Kingpin, Knowledge The Pirate, Mach-Hommy et la clique Griselda. Une œuvre qui a préservé la place de New-York au sein de cette musique qu'elle a créée.

ROC MARCIANO - Marcielago

Cette œuvre, une fois encore, Roc Marci lui fait honneur avec Marcielago, un album où le rappeur d'Hempstead s'interroge sur sa postérité, citant par deux fois, sur "Tom Chambers" comme sur "Legacy", le cas malheureux de l'éternellement incarcéré et perpétuellement mésestimé Max B.

Placé d'entrée sous l'autorité d'une des légendes du rap new-yorkais avec une longue citation de Prodigy, cet album nommé d'après un modèle de Lamborghini (la Murciélago) est une nouvelle démonstration de ce hip-hop néoclassique dont Roc Marciano est devenu la figure emblématique.

Conçus par l'intéressé et par The Alchemist, les beats sont cliniques, dépouillés, décharnés. Ils deviennent même franchement étranges sur des passages tels que "Ephesians", sa collaboration avec Ka. Issus du jazz et de la soul, les samples sont minimalistes. L'ensemble joue des ambiances, plutôt que des mélodies. La plupart des titres sont calmes. Hormis "Puff Daddy", aucun ne recourt aux chants, sinon ceux de Cook$ sur "God Loves You”. Et tous sont sinistres, pesants.

Tout aussi inquiétant, le flow est posé et précis. Il coupe les mots au scalpel et tient autant du spoken word que du rap proprement dit. Il n'en est pas moins l'attraction principale. De façon ambiguë, ça parle de femmes, de trafic de drogue, et peut-être des deux à la fois sur "Choosin Fees". L'air de rien, Marci délivre des égo-trips sur "Richard Gear", "Saw" et "Saylavi". Avec Knowledge The Pirate, il évoque son dur quotidien de délinquant sur "Tom Chambers". Et chaque fois, il se suffit à lui-même. Il pourrait se passer de musique.

Alors, quand celle-ci est au rendez-vous, comme avec le synthé et la guitare de "Boosie Fade", quand la compagnie, dans ce cas celle de Westside Gunn, se montre à la hauteur, on abandonne le Roc Marciano ordinaire, celui qui rappe en vitesse de croisière, pour celui dont la postérité est garantie.

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