Welcome to the Party. Bienvenue à la fête. Celle des rappeurs morts. Pop Smoke, en effet, n’aura guère eu le temps de profiter de sa notoriété au cours de sa carrière éclair. D'une rapidité typique de l'ère Internet, celle-ci l’aura vu se mettre au rap à 18 ans, accéder au rang de star à 19, pour finalement disparaître à 20, assassiné en son nouveau domicile californien au début de l'année 2020, quelques jours seulement après avoir sorti sa seconde mixtape. Depuis, est apparu un album posthume parrainé par un 50 Cent qui a reconnu en lui un disciple, et accompagné par toute une partie de l’intelligentsia rap, Tyga, Future, Quavo, Swae Lee, Lil Baby, DaBaby, Roddy Ricch et bien d’autres encore. Celui-ci, Shoot for the Stars, Aim for the Moon, a immédiatement été numéro 1 aux USA et ailleurs dans le monde, mais tout cela, déjà, est anecdotique. L’essentiel eut lieu plus tôt, dès la première mixtape du rappeur.

POP SMOKE - Meet the Woo

Voire plus exactement, dès ses premiers grands singles, tous présents sur Meet the Woo. L'un des plus importants, ce fut donc "Welcome to the Party". Ce titre, si puissant qu'il fut bientôt accaparé par Nicki Minaj et par l'Anglais Skepta, révéla au monde les particularités de Pop Smoke. Une voix incroyablement lourde et basse pour quelqu'un à peine sorti de l'adolescence, où s’entendait cette ascendance caribéenne si commune chez les Noirs de la Grosse Pomme ; des sons inhabituels à New-York, étrangers à sa propre tradition ; un nouveau style, qui deviendrait bientôt connu sous le nom de Brooklyn drill, mais qui, produit par le Britannique 808Melo, était en fait de la UK drill ; et des paroles en phase avec ce genre musical anglais, pleines de morgue et de menace, avec en arrière-plan de violentes rivalités de gangs.

L'autre single capital de Pop Smoke, ce fut "Dior", un égo-trip admirablement produit par le même Anglais, où le rappeur vantait simultanément les produits de luxe et les armes dont il faisait ses apparats. Après avoir résonné dans les rues de New-York, dans tous les Etats-Unis et au-delà encore, il fut son grand titre emblématique, à tel point qu'il est présent sur chacune des trois projets sortis à ce jour sous le nom du rappeur, ses deux mixtapes et son album.

Ces deux morceaux, c'est l'héritage de Pop Smoke, c'est la raison de son accession précipitée à un statut d'icône du rap. Ils résument et subliment l'ensemble de cette courte mixtape. Solides, mais moins marquants, les autres titres ne faisaient que confirmer l'intention première du rappeur : nous inviter dans son univers personnel. Avec l'introductif "Meet the Woo", le New-Yorkais plantait en effet le décor en évoquant son gang d'appartenance (les Woos, donc) et celui de ses ennemis (les Choos), avec une musique oppressante et un texte donc les mots évoquaient les lieux et le jargon de Brooklyn, ou plus exactement ceux du quartier de Canarsie.

Sur l'ensemble du projet, Pop Smoke nous parlait d'une existence dont les seules motivations étaient le sexe et les marques de luxe (des plaisirs dont il semblait jouir sans réel bonheur), d'une vie marquée par les traumatismes et les désordres mentaux ("PTSD") et dont le quotidien sombre et menaçant se résumait à la violence, aux armes à feu et aux meurtres. Même si l'assassinat du trop jeune Bashar Jackson n'aurait au bout du compte rien eu à voir avec toutes ces histoires de gang, Meet the Woo, sa première sortie, sentait déjà la mort.

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