Le mélange des genres est le moteur de la musique. Pas celui, souvent artificiel, des touristes culturels de la world music, mais celui, plus organique, des gens qui ont été confrontés naturellement à plusieurs influences, qui ont grandi avec. C'est ainsi que sont nées les musiques afro-américaines, de la double exposition sur le long cours aux traditions africaines comme européennes. Et c'est pour cela aussi que les contrées entre deux mondes ont souvent été les plus prolifiques en nouveaux genres. Le cas d'école, ce sont les Caraïbes, et cela inclut leur partie française, ces Antilles politiquement européennes, géographiquement américaines et culturellement un peu jamaïcaines. En proposant une musique qui mélange sans artifice la trap, le dancehall, le zouk, le parler créole et la variété française, Meryl en apporte la preuve.

MERYL - Jour Avant Caviar

Originaire de Saint-Esprit, en Martinique, celle dont le vrai nom est Cindy Elismar s'est d'abord fait voir auprès du rappeur du coin Specta, qu'elle secondait en 2013 sur le titre "Agression Textuelle", avec les rythmes dancehall et l'accent antillais de vigueur. Et puis, étudiante à Montpellier, elle s'est rapprochée du producteur local Mr. Nin, avant de rejoindre la structure de production ETMG, par l'intermédiaire de son patron Chris. Elle lance alors une carrière de ghostwriter et de toplineuse, et travaille dans l'ombre pour quelques têtes d'affiche du rap francophone, de SCH à Soprano, en passant par Shay et Niska. Enfin, après une série de morceaux solo et de vidéos à succès, tout d'abord "Béni", puis "Ah Lala" et "Wollan", elle se fait un nom toute seule, au point d'être annoncée en première partie d'Angèle à Bercy et d'être chouchoutée par les grands médias, lesquels ont bien accueilli Jour Avant Caviar, une première "mixtape" sortie en février et qui compile ses titres sortis à ce jour, ainsi que quelques inédits.

Et on leur donne raison. Conçu avec l'aide de Pyroman et de Junior Alaprod, producteurs stars du rap français, Jour Avant Caviar se révèle excessivement plaisant. Le passé de toplineuse de Meryl s'y entend, ses qualités de faiseuse de tubes sont patentes, dans la tournure mélodique et accrocheuse de ses compositions, quelles qu'en soient les orientations musicales. Et celles-ci, donc, sont multiples. Son style principal est celui, contemporain, du chanté-rappé et des rythmes trap, mais il cède souvent la place à des sons beaucoup plus caribéens, sur "Coucou", qui célèbre de manière sensuelle et chaloupée une femme fatale et sexy, sur "15 AM", une ode à la grasse matinée, ainsi que sur les romances de "Billets" et du franchement dancehall "Wollan". La Martiniquaise effectue aussi quelques escapades du côté de la chanson française, avec les chants, le spleen et la guitare de "Dans la Brume", voire l'accordéon de "Johnny".

"J'écoute du Cabrel, j'écoute du Niska", Meryl dit-elle sur "Dans la Brume". Et entre ces différentes influences, elle refuse de choisir. Elle dévoile une formule qui n'est qu'à elle, celle-là même qu'avait annoncée "Béni", le morceau qui l'a mis sur le devant de la scène, qu'elle avait pris le parti de déclamer dans un créole agrémenté à sa guise de mots de français et d'anglais, voire d'onomatopées. Ce titre, c'était toute une promesse, que Jour Avant Caviar honore pleinement. Puisse-t-il étancher la soif de succès que traduit le titre et des morceaux comme "Inanimée". Puisse-t-il satisfaire la volonté de percer malgré l'adversité que Meryl partage sur "Désolé", ainsi que sur "Ah Lala", un autre temps fort de la carte de visite qu'est cette mixtape.

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