L'homme, le mythe, le legs. Le titre de ce disque ressemblait déjà à une épitaphe. Alors forcément, quand on connaît la suite, quand on sait que six années plus tard, en 2013, Ricky Dunigan est mort dans son sommeil à tout juste 40 ans, cet album solo prend une dimension particulière. Sorti sur Black Rain Entertainment, le label qu'il a cofondé avec II Tone après une période marquée par la prison et par son départ de Three 6 Mafia, il sonne rétrospectivement comme un testament pour Lord Infamous, co-fondateur du plus emblématique des groupes de Memphis. D'autant plus qu'il se montrait, et qu'il se montre encore, tout à fait honorable.

LORD INFAMOUS - The Man, The Myth, The Legacy

Lord Infamous a toujours eu la réputation d'être le plus féroce et le plus maléfique de la bande. Et si on l'a déjà vu plus déchaîné, il en donne un aperçu ici. Sur The Man, The Myth, The Legacy, on découvre le sexisme ordurier et ordinaire de "These Hoes", de l'élégamment nommé "Pussy Stank", à propos du rude métier de proxénète, et de "The Roll Song" et "B.O.C.", qui nous parlent d'amour physique brutal. On y trouve aussi de la violence sanguinaire et les interjections homophobes sur "You Don’t Want None", des débordements barbares sur "Jump", des envies d'homicide sur "Parking Lot" et sur "ISM", une glorification de la drogue sur "Frosty" et sur "Bank", et un amour suprême pour la seule chose qui le mérite, l'argent.

Les ponts semblaient coupés avec ses anciens acolytes. Sur cet album où Lord Infamous se présentait comme l'homme d'après le 6, tout comme celui comme d'avant le 6. On avait même prétendu que le morceau "Where Iz Da Love" était une attaque contre son ancien groupe. De fait, ni son demi-frère DJ Paul, ni Juicy J, ne participait à la production. Et la seule affiliée de poids à la Three 6 Mafia présente ici était La Chat (qui répondait aux propos de Lord Infamous sur "These Hoes" avec un mépris identique au sien). A part elle, ce n'étaient que les seconds couteaux de son nouveau collectif, le Club House Click, et cela s'entendait parfois. Les sons en pâtissaient, sur des morceaux feignants comme le "Where Iz Da Love" susmentionné.

Mais enfin, Lord Infamous faisait preuve d'une diversité bienvenue, des murmures menaçants de "Parking Lot" aux raps vindicatifs assénés d'une grosse voix sur les trompettes tonitruantes de "ISM", en passant par la scansion lente et martelée de "Til Death". Et quelques passages marquaient encore, comme "Frosty", "Pussy Stank", des chants de sauvages de l'acabit de "Jump", les délires pornographiques de "B.O.C.", le trépidant "Yeah I'm Wit It", les jolis violons soul de "Bank", ainsi que l'épique posse cut à cloches de "Club House Click". Ici se trouvait bel et bien Lord Infamous. L'homme. Le mythe. Et une partie du legs de la Three 6 Mafia.

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