En 2006, bien avant leurs disputes, Lil Wayne et Birdman s'aiment beaucoup. Ils s'aiment même très fort, à en croire une vieille photo qui, cette même année, refait surface et les montre en train de se bécoter, en habits blancs et dans un décor de mafieux. Questionné sur ce geste, l'homme-oiseau ne se décontenance pas. Il rappelle tout bonnement qu'il considère le jeune Dwayne Carter comme son fils. L'explication est étrange, embrasser ses enfants sur la bouche n'étant pas nécessairement un geste ordinaire. Mais enfin, ce rapport filial semble bel et bien au cœur de leurs relations. C'est en tout cas ce que met en avant leur album commun. Intitulé Like Father, Like Son, son but est de montrer le dévouement de Birdman pour son protégé, et la reconnaissance de Lil Wayne pour son patron, mentor et père de substitution.
Tel est en tout cas le thème du morceau éponyme, Lil Wayne y dit toute l'admiration qu'il a pour son protecteur, pendant que l'autre professe des leçons de gangstérisme. C'est parfois très creux, comme avec cet introductif "Loyalty". Sur une musique qui évoque celle de Scarface, ce moment, le premier d'une série d'interludes délivrés par un parrain d'opérette, accumule les clichés grotesques sur la loyauté du gang. Mais si Birdman, toujours aussi puant, joue entre deux cris de mouette son numéro habituel de Tartuffe gangsta, Lil Wayne, lui, semble y croire. Il est extatique, il est possédé, il fait preuve d'un enthousiasme juvénile communicatif.
A vrai dire, on n'entend même que lui, cette sortie ayant pour atout de sortir au sommet de sa carrière, au moment où, entre les volumes 2 et 3 de la série Tha Carter, sur de multiples apparitions, ainsi que sur mixtapes, il est en feu. C'est un projet rempli presque exclusivement de tubes, avec tous les avantages d'une œuvre grand public (une production solide de T-Mix avec des contributions de Scott Storch, des invités de première classe comme Rick Ross, Fat Joe, Tha Dogg Pound et Starlito), sans aucune ou presque de ces incartades habituelles destinées à contenter toutes les audiences (les morceaux R&B sirupeux, les passages politisés à la "Georgia... Bush" qui, sur Dedication 2, a émoustillé les mormons du rap respectable…).
Bien au contraire, avec sa musique scintillante, avec ses morceaux entrainants, avec tous ces titres enjoués annoncés par les synthés virevoltants du single à succès "Stuntin' Like My Daddy", avec les orgues fières sur "Over Here Hustlin'" et sur "All About That", avec les guitares funky de "1st Key" et de "Leather So Soft", avec la trompette de carnaval de "Know What I’m Doin’", avec les fausses cordes de "Get That Money", et avec tout à la fois sur "No More", avec aussi ses thèmes (l'argent, le luxe, le succès, un peu de sexe et la marijuana sur "High" et "Cali Dro"), c'est du vrai Cash Money. C'est du pur rap sudiste, c'est la vraie musique de la Nouvelle-Orléans, délivrée par son meilleur représentant. Avec une telle constance qu'aujourd'hui, pile entre Tha Carter II et Tha Carter III, et peut-être même au-dessus, Like Father, Like Son mérite un statut de classique, et une place de choix dans la discographie très riche de Lil Wayne.
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