C'est dans l'entourage de Tyga que Honey Cocaine est apparue. Elle est devenue sa protégée et elle a rejoint son label, Last Kings, après que le rappeur californien l'ait découverte sur Youtube. Et en retour, en quelque sorte, elle aussi l'a protégé : un jour de 2012, à la suite d'un concert dans la ville d'Omaha, elle a reçu dans le bras une balle qui lui était destinée. C'est là l'un des faits divers associés à son nom, un autre étant le suicide de Freddy E, un rappeur de Seattle engagé dans de fréquents échanges avec elle, et qui, d'après certains, se serait fait sauter le caisson à la suite d'une rupture amoureuse. L'intéressée a certes démenti avoir été en couple avec ce garçon, mais tout cela concourt à lui donner une image violente et sulfureuse.
Cette réputation n'est pas contredite par sa musique. La demoiselle, dont le premier single s'intitulait élégamment "I Don't Give a Fuck" ("j'en ai rien à foutre", s'il vous manque les rudiments de la langue anglaise), a arrondi quelques angles depuis qu'elle a troqué son pseudonyme scandaleux pour un plus neutre Honey C. Mais à l'origine tout du moins, c'est un rap de tendance trap music qu'elle promouvait. C'est en tout cas ce que recelait Thug Love, sa mixtape de référence, sortie à Pâques 2013, l'année où elle a signé chez Warner, sans aucun rap autre que les siens, sans autre contribution que celle d'un producteur unique, Dkevrim.
Sur cette sortie, le style de Honey Cocaine se montrait sale et brutal. La rappeuse privilégiait l'énergie, sa grande gueule évoquait immanquablement celle de Nicki Minaj, un petit côté canaille en plus, et elle jouait à la fille des rues insolente. Pour la paraphraser, elle montrait qu'elle en avait. Thug Love, en effet, parlait de gagner de l'argent, de s'offrir des chaines en or, de mener la grande vie, de se défoncer à l'alcool et de célébrer une réussite davantage fantasmée que réelle. Honey Cocaine n'y était pas avare en menaces, en allusion aux armes à feu ("Me N My Toolie") et en propos agressifs, notamment envers ses paires féminines. Et elle traitait de tout cela avec l'efficacité idoine, comme avec le monstrueux single "Middle Finger".
Mais Honey Cocaine ne vient pas de ces ghettos afro-américains qu'on associe à une telle musique. Sochitta Sal a beau user du n-word dans ses textes, elle est en vérité canadienne, et d'origine asiatique (tout comme Tyga, au passage, qui est vietnamien par sa mère). Elle est née au Cambodge, et c'est à Toronto, où se sont établis ses parents, qu'elle aurait appris l'anglais (en regardant les programmes de BET, selon la légende). Sur Thug Love, elle faisait plusieurs fois référence à ses origines, quand elle retraçait le parcours migratoire de sa famille sur l'interlude "Heartache", ou qu'elle faisait appel à son esprit de clan sur "Asians on the Map".
Cette identité asiatique, c'est la seule originalité de cette sortie. Pour le reste, sa recette est générique, quoique plaisante et avec quelques tubes. Savoureuse comme du miel, addictive comme de la drogue. Voici ce que signifie le pseudo Honey Cocaine, voilà comment la jeune Sochitta qualifie sa musique. Et sur cette mixtape au moins, elle n'était pas loin du compte.
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