Le personnage maudit du rap féminin, c'est Charli Baltimore. A deux reprises au moins, elle sembla promise au succès, mais à chaque fois, la machine s'est enrayée. La première occasion, ce fut au milieu de la décennir 90, quand elle devint la maîtresse et la protégée de Biggie, et qu'il voulut monter The Commission, un super-groupe avec Puff Daddy, Jay-Z, Lil Cease, elle et lui. La seconde survint un peu plus tard, au début des années 2000, quand ce fut au tour d'Irv Gotti de la prendre sous son aile chez Murder Inc., et de produire le single à succès "Down 4 U" avec Ja Rule, Ashanti et Vita. Cependant, les albums que la rappeuse aux cheveux rouges (voire blonds, selon) aurait dû sortir au terme de ces périodes fastes n'ont jamais vraiment vu le jour.

CHARLI BALTIMORE - The Diary

C'est comme si, à chaque fois, le destin rattrapait cette femme qui n'a pas toujours eu la vie facile. Née à Philadelphie d'un père allemand et d'une mère afro-américaine, Tiffany Lane (le nom Charli Baltimore lui vient d'un personnage de film joué par Geena Davis), en effet, a été une mère adolescente soumise à un amant violent, avant de rencontrer Notorious B.I.G. et de devenir une rappeuse. Et après la tragédie personnelle qu'a été le meurtre de ce dernier, elle passa par une dépression marquée par les décès consécutifs de plusieurs de ses proches. Quant à ses albums avortés, ils ont tous les deux souffert de conflits avec ses labels.

Le second d'entre eux, The Diary, finit pourtant par prendre forme, officieusement en tout cas, quand il fut distribué gratuitement sur Internet, à la manière d'une mixtape. Il s'agissait en fait de l'assemblage éclectique de singles et de collaborations issues de compilations Murder Inc. ou d'autres albums, plutôt que de l'objet original. Mais qu'importe, hormis le son parfois approximatif, il avait tous les traits d'un album de major : plusieurs tubes (les cinq singles qui avaient annoncé la sortie étaient recyclés ici), des invités prestigieux, une grande diversité des sons et une large pluralité de registres. Ainsi entendait-on, en plus de violents hymnes de thugs ("We Still don't Give a Fuck"), un titre où Charli Baltimore représentait avec Eve sa ville d'origine ("Philly's Finest"), un diss track à l'encontre de Lil' Kim délivré avec le renfort de Foxy Brown ("Never See Kim in the Hood"), la rituelle chanson d'amour R&B ("Spending Time", un titre de Christina Milan), des passages club comme "Last Temptation" (une collaboration issue de l'album homonyme de Ja Rule), et même un morceau pro-black, "Blak Iz Blak", un extrait de la BO du Bamboozled de Spike Lee, avec Mos Def, MC Serch, Canibus et quelques autres.

Mais naturellement, une bonne partie de l'exercice consistait à mettre en avant la principale intéressée, qui se montrait mordante et agressive sur de nombreux morceaux comme "The Diary" "No One Does It Better" ou encore "Niggaz Aint Shit". Il s'agissait de la mettre en scène en train de pratiquer un rap de brute magnifique dans le style de la tête de proue de Murder Inc., Ja Rule, dont la voix grasse s'entendait à plusieurs reprises, bien sûr, par exemple sur son propre titre "Down Bitch", une sorte de Bonnie and Clyde rejoué par le duo de rappeurs. Sur chaque morceau, Charli Baltimore demeurait au centre du jeu. Et pour cela, on acceptera que cette compilation pirate hétéroclite passe pour l'album qu'elle n'a jamais vraiment sorti.

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