Aux alentours de 2011, alors même que son style musical commençait à se faire connaître au-delà de Chicago, BlockOnDaTrack, un producteur de drill, s'est dit qu'il était temps d'offrir une voix féminine à ce genre viril et agressif. Aussi persuada-t-il sa cousine, Kiara Johnson, qui, alors étudiante, arrondissait ses fins de mois chez McDonald's, et qui n'avait jamais songé à lancer une carrière dans le rap, à enregistrer un morceau avec lui. Celui-ci fut baptisé "I Need a Hitta", et il fut un tube auprès de la jeunesse locale. Il fut suivi d'un autre, "Ridin' Around and Drillin'", qui attira l'attention du vétéran King Louie, lequel signa la jeune femme sur Lawless Inc., son label, et participa à son single le plus connu, "Pop Out". Tout cela permit à celle qui prit le nom de Katie Got Bandz de sortir des mixtapes remarquées et de devenir très vite la reine de la drill.
BlockOnDaTrack, toutefois, avait poussé sa cousine à faire du rap pour une autre raison : sachant qu'elle filait un mauvais coton, il avait voulu l'éloigner de la délinquance. Il n'y parvint pas tout à fait, Katie étant en prison pour des histoires d'arme à feu au moment même où "I Need a Hitta" faisait sensation dans les rues de Chicago. Mais à sa libération, surprise par l'accueil réservé à ce titre, elle se consacra pour de bon au rap. Cela se traduit, peu après la rencontre avec King Louie, en cette année 2012 où la drill explosait au grand jour, par la sortie d'un projet intitulé Bandz and Hittaz. Produit évidemment par son cousin, celui-ci valait déjà amplement n'importe quelle édition des Drillary Clinton, sa série de mixtapes la plus célèbre.
Fidèle à son environnement et à son passé, Katie y appliquait scrupuleusement les recettes de la drill music. Elle lui apportait certes une voix féminine rêche et bravache, mais pour le reste, elle suivait tous ses codes : des vers courts et entêtants, entonnés de manière presque mécanique, dont l'impact reposait sur la pesanteur et sur l'agressivité des paroles plutôt que sur la virtuosité des raps ; des motifs rythmiques de type trap ; une musique synthétique lourde, menaçante, emphatique ; et quelques bruits de flingues pour faire bonne mesure.
L'arrière-plan thématique était aussi celui des gangs et des quartiers chauds. Sur "I Need a Hitta", la rappeuse cherchait un compagnon aussi brutal qu'elle, et elle clamait son amour de l'argent. Sur le rude "Yall Niggaz Ain't Hittaz", elle tirait sur une rivale. Sur "Middle Fingers To Da Opps", elle appelait à niquer la police. Jamais Katie ne surjouait pas sa féminité. Le sexe n'était pas absent des textes, mais elle n'usait pas de sex appeal. La seule romance ici, "Lady Hitta", était chantée par un homme ; et l'objet de son désir n'avait rien d'une petite chose fragile.
Katie prenait l'attitude des hommes, jusqu'à parader comme eux dans les vidéos de "I Need a Hitta" et de "Ridin' Round and We Drillin", en chef de bande, cernée par toute une cohorte de congénères des deux sexes. Ce faisant, elle définissait ce que serait la drill au féminin, elle promouvait un modèle que suivraient, à quelques variantes près, la plupart de ses consœurs.
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