Apparue à South Side Chicago, c'est sur le circuit de la drill music que Dreezy se fait connaître. Elle se lie d'abord à une papesse du genre, Sasha Go Hard, qui l'invite sur son "I Ain't No Hitta" en 2012. Puis elle collabore avec un autre acteur clé de cette tendance, Lil Durk, le temps du titre "Ghost". Enfin, en 2014, c'est avec un morceau nommé d'après le nom drill de Chicago, "Chi-Raq", qu'elle atteint la notoriété ; ou plus exactement, avec un remix de ce titre de Lil Herb et Nicki Minaj, où sa prestation éclipse celle de cette dernière, un exploit. Mais par la suite, Dreezy élargit ses horizons : elle intervient la même année sur Nobody's Smiling, un album de la figure historique du rap de Chicago, Common. Et ses singles futurs, le sirupeux "Close to You", avec T-Pain, et le mélodieux "Body", avec Jeremih, révèlent une chanteuse R&B fleur bleue, plutôt qu'une représentante de la sauvage et abrasive musique de South Side.

DREEZY - Schizo

Dreezy n'a été une rappeuse drill que par accident. Ce n'est là qu'une de ses facettes. Son premier projet important, une mixtape sortie juste avant "Chi-Raq", ne dit pas autre chose. Schizo, s'intitule en effet ce projet qu'elle a également failli nommer Seandrea Vs. Dreezy (Seandrea Sledge est le vrai nom de la rappeuse). Et pour cause, la jeune femme a connu effectivement plusieurs vies : ses parents étant séparés, elle a habité dans les quartiers chauds, tout comme dans les banlieues calmes ; bonne élève éprise de poésie, elle a aussi appris à vivre dans la rue. Schizo s'efforçe donc de nous présenter ces deux Dreezy distinctes, la fille gentille et la vilaine. Et pour l'appuyer dans son entreprise, elle a demandé le renfort de Wadell Brooks, alias D. Brooks Exclusive, un producteur drill music tout aussi schizophrène qu'elle, puisqu'il a la particularité, rare en ces lieux, d'avoir été en parallèle un musicien classique.

Certaines plages de Schizo jouent de la corde sensible, comme "The Realist". Même si Dreezy y est encore une rappeuse pas commode, on y entend des confessions et les vocalises R&B de Ross Augusta. C'est le cas aussi du dépressif "Schizophrenia", du quasi-spoken word de "Mind Game" et de ce "Dreamer Pt. 2" où elle retrace son parcours. La tendance est à la confidence et à l'introspection. Et l'amour, aussi, est un thème central. Le tourbillonnant "Heard It All" est une romance, et "Up & Down" une ode à la persévérance et à la résilience des sentiments. Quant à "Lonely", "Bad Habit" et "Truth Hurts", ils content au contraire des histoires d'amours contrariés, la jeune femme disant, dans le premier, s'en consoler dans les bras d'un autre.

Mais d'autres passages de la mixtape frappent avec violence ; avec beaucoup de violence, comme "All The Time", "Ain't For None" avec ses montées de tensions, ses cris, et la présence de King Louie (puis celle de Lil Herb et de Z Money dans une version alternative), "Break a Band", et bien sûr l'agressif "Zero", qu'elle expectore d'abord en solo, puis en compagnie des deux autres grandes dames de la scène drill music, sa complice Sasha Go Hard, et Katie Got Bandz. Dreezy rappant avec adresse et morgue, ces derniers titres sont les plus marquants.

Même si la face sensible de la rappeuse donne lieu parfois à de bons titres comme "Bad Habit" et "Truth Hurts", la plus rude est celle que l'on préfère entendre. Heureusement, une fois signée chez Interscope, la rappeuse ne perdra pas tout de son mordant. En complément des mielleux "Close to You" et de "Body", elle parviendra encore fin 2017, sur le faussement indolent "Spar", avec 6LACK et Kodak Black, à cracher son fiel sur l'Amérique de Donald Trump.

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