Le grand gagnant, dans l’opération de cooptation par les Américains qui a redonné des couleurs au grime anglais dans les années 2010, c’est Skepta. Il faut se souvenir, cependant, que la carrière de Joseph Adenuga ne date pas d’hier, et qu’elle fut doublée, en parallèle, de celle de son petit frère Jamie, un prénom plus connu sous l’orthographe alternatif de JME. Cette fratrie d’activistes (à laquelle il faut ajouter la petite sœur Julie, un DJ) a commencé à se faire un nom au début des années 2000, au sein du collectif Meridian. Puis les frères ont fondé ensemble le label-équipe Boy Better Know, sur lequel sortiraient leurs projets réciproques.

JME - Famous?

A l’origine, JME avait été un producteur. Il finit cependant à se mettre au rap, usant souvent d’observations ironiques, débitées sur le mode de la conversation, à la manière de The Streets. Et il se distingua ainsi par plusieurs titres, éparpillés sur une série de mixtapes, et dont quelques-uns acquirent le statut de standards grime, comme, justement, le redoutable "Standard", mais aussi "Shut Yuh Muh", et "Serious". Ces morceaux, ainsi que quelques autres, on les retrouva en 2008 sur Famous?, un premier album dont le rappeur produisait l’essentiel, et la compilation idéale de tout ce qu’il pouvait alors offrir de mieux, la moitié des titres étant des brûlots contre les faux gangsters, et l’autre une collection d’égo-trips nerveux et efficaces.

Sans quitter ce registre, d’autres titres suivaient néanmoins des voies moins attendues. C’était le cas de "Show", où JME s’en prenait, sur un rythme plus lent, au conformisme des branleurs habituels. Ca l’était aussi de "Power", un titre plein d’humour et de "lalas" féminins, où il se dépeignait en super-héros sauveur du grime, ou de "Sun, Sea and Sand", une célébration des vacances dont on ignore à quel degré il fallait les prendre. Même chose pour "P" : celui-ci était, avant tout, un hymne à l’argent (en argot local, "P" désigne le papier des billets de banque), mais Jamie Adenuga, jeune homme intelligent et diplômé, se vantait ici de les gagner par la vente de t-shirts, plutôt que par le deal de drogues qu’il affirmait ne pas consommer.

Sur ce morceau, JME se vantait d’avoir réussi sans pourtant encore être célèbre, tout comme sur "Famous", où il se moquait gentiment des groupies qui lui tournaient autour, le prenant à tort pour une superstar. Cette superstar, le Londonien ne l’était alors pas, comme le rappelait le point d’interrogation du titre de l'album, et des textes qui usaient souvent de dérision. Mais JME avait alors déjà tout pour, à l'instar de son frère, gagner sa place de grand du grime.

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