Autoproduit :: 1992-96 / 2007 :: écouter l'album
Mais il fut pendant longtemps l'unique trace discographique du duo. Il fallut en effet attendre 2007 pour que les Figures of Speech sortent enfin un album, The Last Word. A cette époque, les deux femmes ne rappaient plus vraiment. Il s'agissait, en fait, de la compilation de titres enregistrés entre 1992 et 1996, assemblés sous l'égide d'un des plus dignes héritiers de la scène Project Blowed, le producteur Omid Walizadeh. Cette origine s'entend d'ailleurs distinctement, la qualité des sons s'avérant très approximative, et les instigateurs de l'album le meublant tant bien que mal, comme par exemple quand une plage se limite aux quelques secondes du refrain de "On The Road Again", un titre du duo The Nonce issu de leur classique World Ultimate, auquel les deux rappeuses avaient collaboré.
Malgré leurs sources disparates, les morceaux de The Last Word partageaient cependant l'essentiel. Sur tous, les Figures of Speech s'affirmaient comme un Freestyle Fellowship au féminin. Leur musique était délicate, jazzy, pleine de détours inattendus, voire d'expérimentations (cf. le très étrange "Last Minutes"), et distincte tout autant du boom bap new-yorkais de l'époque, que du g-funk de leurs voisins californiens. Ces deux filles, dont l'une au moins, Eve (on connaît moins la vie de Jyant) étudiait à l'UCLA aux heures où elle fréquentait l'open mic du Good Life Café, avaient un vocabulaire de lettrées. Leur(s) phrasé(s) étaient véloces, en particulier sur les impressionnants "Doe See Doe" et "Avoidance", deux titres où elles se mesuraient au débit hypersonique de NGA FSH. Leurs flows étaient en évolution constante, au point de se transformer parfois en chant. Elles franchissaient en effet allègrement les frontières du rap, par exemple quand elles invitaient Abstract Rude, sur "Babylon", à s'exprimer dans un registre jamaïcain.
Cette compilation fut donc le témoignage précieux d'une époque révolue. Un autre, toutefois, fut concocté la même année : le documentaire This Is the Life, assemblé par Eve, toujours avec l'aide d'Omid. Sorti en 2008, celui-ci nous raconterait l'histoire du Good Life à l'aide de divers films d'époque. Ayant repris son vrai nom, Ava DuVernay avait en effet entamé une carrière dans le cinéma, dont l'apogée serait le très remarqué Selma, en 2014, un film consacré à Martin Luther King et à la lutte pour les Droits Civiques, réalisé avec l'appui de poids lourds comme Oprah Winfrey et Brad Pitt. Pendant que Jyant disparaitrait totalement des écrans radar, cette carrière de réalisatrice permettrait à Eve d'atteindre des niveaux de notoriété inespérés à l'époque où elle rappait, et d'être connue de gens qui ne soupçonnent rien de son passé ; un passé dont ce bien nommé The Last Word est le vestige.
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