Il est un temps, autour des années 2008 et 2009, où le rap semble vouloir se fondre dans une grande variété internationale, où il cherche à se mêler aux autres genres populaires, pop rock et musiques électroniques, entre autres. Cette envie anime alors plusieurs rappeurs notoires, comme Kanye West, Kid Cudi et Drake. Et l'on ne parle pas de la métamorphose de Black Eyed Peas en énorme machine variété rap.

THEOPHILUS LONDON - This Charming Mixtape

Un homme en particulier, dont l'apparence soignée, en plus de la musique, le destine à séduire la branchitude (il sera un chouchou du festival de Cannes en 2011, et il sera plus tard cornaqué par Kanye West), explore cette voie plus loin que tout autre. Et pour imposer sa formule de synthèse, il privilégie tout d'abord le format mixtape. Cet homme, est Theophilus London, un New-Yorkais d'origine trinidadienne.

Sa seconde mixtape témoigne d'emblée d'influences exogènes au rap. Le titre, This Charming Mixtape, est dérivé d'une chanson des Smiths, et la pochette détourne un classique d'Elvis Costello, This Year's Model. Ces références singulières signalent une fascination pour une période précise : celle de la new wave, à la fin des années 70 et pendant la décennie 80. Ce sont des genres de cette époque, post-punk, synth pop, sophisti pop, electro rap, house music originelle, world music naissante, soul tardive que, tour à tour, cette mixtape aborde. Cette passion s'illustre, par exemple, par une déclinaison sirupeuse du "Computer Love" de Kraftwerk signée Glass Candy, puis par une version déstructurée de "Always Love You", le grand tube de Whitney Houston.

London explore aussi des choses plus récentes, telles le "Sabali" d'Amadou & Mariam et le "Bongo Jam" de Crazy Cousinz, ou plus anciennes, comme le superbe "Ain't No Sunshine" de Bill Withers, et une vieille version de "Oh Happy Day". Cela, toutefois, ne change pas grand-chose à l'affaire. Même quand elle est issue d'un autre temps, comme dans le cas du "Take My Eyes Off Of You" de Lauryn Hill, la musique de cette mixtape rappelle férocement les années 80.

Cette sortie est une mixtape à l'ancienne mode : une sélection, l'enchainement de titres préexistant, plus ou moins remixés, l'affirmation d'un panthéon musical personnel. Sauf qu'ici, London investit un terrain de jeu bien plus large que les habituels rap et R&B. La seule raison de rattacher cette mixtape au hip-hop, en fait, c'est que son principal acteur rappe (en tout cas quand il décide d'habiller la sélection de sa voix, et quand il le fait par autre chose que par des chants) et qu'il y représente fièrement son quartier de Brooklyn.

Avec son apparence lookée bien comme il faut, Theophilus London ressemble à un pur fantasme pour beautiful people. Avec l'étrange doctrine aquaphile défendue sur "Aquamilita", il semble s'adresser en premier lieu aux mangeurs de sushis et de produits bios. Et la mixtape est elle-même une sorte de bande-son pour défilés de mode. Mais qu'importe : la musique que l'on entend dans ces derniers est, de toute façon, souvent bien supérieure au tout-venant radiophonique. C'est en tout cas le cas avec cette Charming Mixtape.

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