L'important, pour un rappeur des années 2010, ce n'est plus la qualité, mais la quantité. Il faut savoir rester dans l'actualité, tout le temps, en permanence. Et pour cela, il faut multiplier les sorties, qu'elles soient annoncées de longue date ou surprise. Future, lui, a le mérite et la particularité d'avoir fait preuve des deux, d'excellence, et de relative constance, tout au long de 2015, en proposant à un rythme soutenu une suite de mixtapes et albums plus que notables, DS2 en étant le sommet. Il a même prolongé l'aventure au début de l'annéee suivante, par la sortie coup sur coup de deux projets, en janvier et février. Puis il semble s'être posé quelque peu, ce qui n'était pas plus mal, la lassitude commençant à poindre.

FUTURE - EVOL

A1 Recordings / Freebandz / Epic Records :: 2016 :: acheter le disque

EVOL, un album officiel (mais quelle différence, aujourd'hui, avec une mixtape ?), enregistré avec l'aide principale de Metro Boomin, Southside et DJ Spinz, est le second de ses projets 2016. Et il est en effet comme son prédécesseur, Purple Reign : inabouti. Il n'y a plus de choc ni de surprise, quand on entend le rappeur nous parler une fois de plus de sa fuite éperdue dans la débauche sexuelle et dans toutes sortes de drogues, ou se présenter comme un modèle de goujaterie. Le seul changement, c'est qu'il n'y a cette fois plus d'excuses, plus de parades, plus de blessures exhibées. Comme le laisse penser le titre, à la fois l'écriture inversée du mot "love" (et donc sa négation), un homonyme de "evil" (le mal), et une allusion à son évolution (Sonic Youth avait autrefois nommé de la même façon un de leurs grands disques), tout comme l'indique aussi les cendres noires de la pochette : ce n'est ici plus que le vilain Future, le nihiliste, l'égoïste, le sans-cœur et le dépravé.

Pour le reste, sur cette sortie assez compacte et relativement dépourvue d'invités (un seul titre en compte), c'est du Future routinier, mineur, répétitif et fatigué, qui use de manière parfois mécanique de son rappé-chanté caractéristique, comme sur "Xanny Family" (logique vu le sujet, le Xanax). Il est pourtant possible d'isoler des passage plus saillants que d'autres : "Lil Haiti Baby", le titre le plus relevé, un tube chaotique et accidenté, au contraire de la plage précédente ; le paranoïaque "Lie to Me", avec ses nappes scintillantes ; la collaboration réussie avec The Weeknd sur le bien nommé "Low Life" ; et l'apothéose parfaite de "Fly Shit Only". Cette poignée de morceaux ne fait pas de EVOL un Future majeur, loin s'en faut. Mais elle l'aide à remplir sa fonction principale, qui est de maintenir sur le devant de la scène un rappeur capital d'Atlanta (et donc un rappeur capital tout court).