Originaire du Queens, Ernesto Shaw, alias DJ Clue (ou "DJ Clue?"), a été l'un des DJs new-yorkais éminents de la fin des années 90. On l'a alors entendu sur les ondes de Hot 97, la même radio que celle de Funkmaster Flex. Sur la même période, il allait fonder son propre label, Desert Storm, connu surtout pour avoir révélé le rappeur Fabolous. Il allait produire plus tard des titres de la star Mariah Carey. Et en 1998, il serait l'un des premiers à sortir un album, The Professional, sur Roc-a-Fella. Si ce disque allait connaître un succès commercial inhabituel pour une compilation mixée, c'est sans doute, en partie, parce qu'il était sur le label de Jay-Z. Mais c'est aussi parce que, un peu plus tôt, DJ Clue s'était imposé comme l'un des maîtres de la mixtape, du fait de son habileté à dénicher des exclusivités.

DJ CLUE - Holiday Holdup 96

Autoproduit :: 1996 :: écouter la mixtape

Holiday Holdup 96 renfermait quelque uns de ces inédits qui ont fait la notoriété de DJ Clue, notamment "It's All About the Benjamins", un hymne au paraître et à l'argent (benjamin = le billet de 100 dollars), et l'un des futurs singles issus de No Way Out, le premier album de Puff Daddy. Il apparaissait alors sur une version antérieure, plus pure, encore dénuée de la participation de Lil Kim et de celle, posthume, de Notorious B.I.G, se limitant donc à l'intéressé, et au trio The LOX. Ces derniers, dont les morceaux parsèmeraient alors nombre de mixtapes, y laissaient aussi leur marque avec "Thumbs Up", un titre où ils secondaient en fait un autre rappeur, Richie Thumbs, mais qui serait considéré comme l'un de leurs morceaux de bravoure. Autre exclusivité, la mixtape contenait aussi le très bon "La Familia", du super-groupe The Firm, monté alors par Nas, avec Foxy Brown, AZ et Cormega, avant que ce dernier n'en soit finalement débarqué au profit de Nature.

DJ Clue ne manquait pas de souligner la présence en avant-première de ces titres, les annonçant en hurlant des "new" ou des "exclusive", comme avec le premier de sa sélection, la version du "Street Dreams" de Nas où figurait R. Kelly. Le but du jeu, avec lui, c'était vraiment d'être le premier, le plus averti. Pour le reste, la mixtape suivait les codes du genre, elle était la cassette new-yorkaise classique des années 90, avec les morceaux, parfois remixés, d'artistes qui occupaient alors le haut de l'affiche, comme divers membres du Wu-Tang Clan, Mobb Deep, Tragedy Khadafi, Capone-N-Noreaga, ou Big Noyd. A ceux-là s'ajoutaient les rappeuses aux langues les mieux pendues de ces années là, Lil Kim et Foxy Brown, et un jeune Jay-Z, à plusieurs reprises, encore accompagné par son mentor Jaz-O sur un titre, et qui s'attaquait à 2Pac sur un autre, "Dead or Alive".

Ce titre, DJ Clue l'utiliserait la même année sur une autre mixtape, ce qui n'avait rien d'anormal. En ce temps là, en effet, celles-ci étaient encore des compilations, la transcription sur cassette des sons passés en club ou dans une émission radio. Sur Holiday Holdup 96, comme dans une soirée, le DJ annonçait les morceaux qu'il choisissait de passer, et en face B, il relâchait la pression avec une phase plus calme et plus suave, ouvertement dédiée aux dames, et orientée R&B. Ici, Clue recourait à des gens comme Allure, Babyface, Faith Evans, Total et New Edition, voire plus ancien, les Isley Brothers (ou plus précisément ce duo entre Ron Isley et Angela Winbush remixé par Puff Daddy, avec les raps de Lil Kim en supplément).

Bande-son de l'instant. Holiday Holdup 96 n'était pas nécessairement conçue pour durer, le DJ se servant d'ailleurs de cette sortie pour annoncer un festival organisé en janvier 1997. Et pourtant, avec leurs flopées d'inédits, avec leurs visées promotionnelles, tant pour les artistes sélectionnés que pour DJ Clue lui-même, les mixtapes de ce dernier annonçaient les prochaines métamorphoses de ce format.