A l'issue de 2013, on aurait pu penser que Migos n'aurait été le groupe que d'un moment, celui du single "Versace". Toute prisée qu'elle fut par les fans, et malgré quelques autres tubes comme "Hanna Montana" et "Bando", leur mixtape Y.R.N. avait été tout de même très imparfaite, voire indigeste. Oui mais voilà : au terme de l'année d'après, Quavo, Takeoff et Offset sont célébrés comme le nouveau cœur créatif d'Atlanta, quelque part entre Young Thug et Rich Homie Quan, on a vu leur phrasé saccadé essaimer ailleurs, et leurs deux sorties de 2014, No Label 2 en février et Rich Nigga Timeline en novembre, ont à chaque fois fait l'actualité.

MIGOS - No Label II

Chacune vaut son pesant d'or. Mais des deux, c'est la première, intitulée en référence à une mixtape de 2012 alors passée inaperçue, No Label, qui se distingue le plus. Produite par une ribambelle de producteurs emmenés par Zaytoven (et secondairement par Metro Boomin), consacrée comme il se doit à jouer les mauvais garçons, à parler de drogue et à célébrer une richesse fantasmée sur les mélodies faussement naïves typiques d'Atlanta (le nonchalant "Antidope" est un cas d'école), No Label 2 est dans la lignée de Y.R.N. : nos trois drilles jouent toujours aux doux-dingues, réagissant les uns aux raps des autres par des exclamations, usant à foison du slogan avec un drôle d'accent (il faut lire le tracklisting pour comprendre que c'est "contraband", ce mot dont ils abusent sur la piste 3), recyclant leur "versace versace" ("Copy Me"), partant dans le rappé-chanté populaire en ces lieux, et jouant à outrance de l'absurde ("Peek a Boo").

Cette mixtape consacre l'ère Migos, mais elle n'apporte rien de neuf par rapport à 2013. Elle aurait même tendance à proposer moins de tubes que Y.R.N., exceptés ce "Fight Night" fait pour les clubs, et qui a un petit quelque chose du style ratchet, ce "No Fuckin Wit" enlevé et plein de vocalises, cet "Emmit Smith" qui marche sur les pas de "Hanna Montana", et ce très mélodique "Where Were You". No Label 2, toutefois, s'avère plutôt constant, toutes proportions gardées, pour l'œuvre d'un trio qui n'a que faire du format album. Elle en serait presque digeste, pour quiconque aurait le courage de s'enfiler à plusieurs reprises une mixtape de plus de 95 minutes (oui, 95 minutes !), remplies d'onomatopées insolites, de mots répétés jusqu'à la nausée et de raps totalement zinzins, pondus par trois types farfelus aux voix de dessins-animés. Une expérience qu'a tentée votre serviteur, qui en est sorti proprement lessivé, mais ne s'en porte au fond pas plus mal.

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