Dans cette géographie du rap renouvelée qui est celle des années 2010, sur cette carte alternative de l'Amérique où Atlanta est la capitale, où New-York et Los Angeles ont perdu de leur superbe, et où Chicago est aujourd'hui une place forte, Washington a également gagné sa place. La capitale, autrefois marginale dans le rap en dépit d'un substrat sociologique favorable (une population afro-américaine défavorisée conséquente), a fini par imposer ses rappeurs maison à l'ensemble de la nation hip-hop. Outre Wale et, dans une veine plus adulte et classique, Oddisee, citons bien sûr Fat Trel et Shy Glizzy. Et puis, pas très loin d'eux, Lightshow.
Tout comme Shy Glizzy, c'est auprès de Wale que Lightshow s'est fait un nom, lui volant la vedette sur le titre "Georgetown Press", issu de la mixtape Folorin. Il a aussi côtoyé Chief Keef sur "Cash", un posse cut des Slutty Boyz (l'équipe de Fat Trel), sur une mixtape de Dew Baby. Enfin, tout cela la même année, 2012, il a aussi alimenté la rubrique des faits divers, terminant à l'hôpital après un cambriolage. Toute cette actualité a mis Lightshow en avant, ce qu'il a mis à profit avec la mixtape autobiographique Life Sentence. Ce n'est cependant pas avec celle-ci que le rappeur de Washington DC aura frappé le plus fort, mais avec celle de 2013, Get Well Soon.
La force de Lightshow, ce n'est pas le côté allumé qui a réussi à Shy Glizzy (d'ailleurs présent ici, sur l'entêtant "Irons"). Ce n'est pas son ironie, ni sa fragilité, mais plutôt un style qui vous saisit à la gorge. C'est l'aspect dangereux du rap de rue habituel, le rituel du vilain dealer qui vous invite à venir goûter ses produits ("Taking Order"), mais sublimé par une voix haut-perchée qui exhale l'urgence et la faim, et des mots presque postillonnés, expectorés avec rage et envie.
Avec son "Can't Hear Shit" possédé, la mélodie de "Went to Sleep", le rouleau compresseur d'un "Chicken Nuggets & Fries" pour moitié chanté, la ritournelle dans le plus pur style ignorant rap de "Tryin Get Rich", les synthétiseurs et les pianos enflammés de "You Bleed Too", les jolis "ah ah" de Chanell Mouslon sur "When They Come For Me", et même, un peu au-dessous, le refrain de Shane Alexander sur "I'm On It", cette mixtape dépote. Get Well Soon, dont le seul tort est une baisse de régime dans sa deuxième moitié (et la présence d'horreurs comme "Clientele" et "Where I Come From"), est rempli d'hymnes de rue proches de la perfection.
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