Sortie début 2014, By Any Means est la troisième mixtape en un an pour Kevin Gates, et c'est toujours du très bon. Le rappeur de Baton Rouge y persévère dans le style qui a fait de The Luca Brasi Story et de Stranger than Fiction des réussites, deux sorties, à juste titre, parmi les plus remarquées de 2013. Il y affine toujours plus sa posture de gangster qui souffre, de criminel lourdement chargé en émotions. Il continue aussi à proposer des titres mélodiques qui, quand il tirera tous les bénéfices de sa signature chez Atlantic, devraient pouvoir triompher à la radio, mais qui, malgré tout, conservent quelque chose encore des rudesses de la rue.
Kevin Gates sait donner dans l'hymne trap music menaçant, comme avec "Keep Fucking With Me", avec ce bon vieux Plies. Il partage avec nous des histoires de vengeance et de violence urbaine ("Homicide"). Il nous parle de trafic de drogue (l'excellent "Arm And Hammer") et il partage avec nous ses rêves de richesse ("Just Want Some Money"). Il solde ses comptes avec les jaloux de son quartier ("Get Up On My Level"). Mais en parallèle, il expose aussi sa face sensible, comme sur le délicat "Movie", un récit touchant sur la naissance de ses enfants. Et souvent, les deux registres, le fier-à-bras et le fragile, se concilient, comme sur un très bon "Can't Make This Up", où le rappeur revient sur les épreuves de la vie, et où il s'affiche, avec incrédulité, comme un survivant. C'est également le cas sur ce "Posed to Be in Love" où, amant blessé, le rappeur de Baton Rouge s'abandonne avec férocité à la violence domestique.
La musique traduit cet entre-deux où le rap de Kevin Gates s'épanouit le mieux. On trouve sur By Any Means des titres aux refrains chantés, comme "Again" et l'imparable "Wish I Had It", voire du R&B sirupeux, comme avec les chants de Rico Love sur "Go Hard". Toutefois, la mixtape dévoile aussi des beats synthétiques rutilants typiques de la trap, des bizarreries électroniques ("Stop Lyin'"), ainsi que des sons plus glauques, comme sur cet "Amnesia" enregistré avec Doe B, avant que le jeune espoir de l'Alabama ne périsse sous les balles.
Encore une fois, Kevin Gates prouve qu'il est l'un de meilleurs représentants de cette vague de rappeurs qui, toujours aussi rudes et brutaux que ceux d'avant, se montrent toutefois plus vulnérables. Il est aussi l'un des plus accessibles de cette mouvance. Les tubes et les morceaux accrocheurs que contient cette mixtape le démontrent encore. Sauf accident, sauf peur du succès et sauf nouveau détour par la case prison, un boulevard devrait s'ouvrir à lui.